Perte de confiance des consommateurs, voire défiance. Le lien avec les marques et les distributeurs s’est effiloché au fil du temps, prêt à se rompre, au gré des événements parfois dramatiques – et en tous cas inacceptables – qui se sont inlassablement enchaînés depuis 20 ans, fracturant de plus en plus ce fragile équilibre: huile de colza frelatée, crise de la “vache folle”, effondrement du Rana Plaza au Bangladesh, Horsegate, lait infantile contaminé aux salmonelles, œufs au fipronil et, très récemment, viande avariée en provenance de Pologne… Symptômes d’une perte progressive de la maîtrise d’une chaîne d’approvisionnement devenue de plus en plus globale, complexe et fragmentée. Sous l’effet de la mondialisation des échanges depuis 30 ans, les circuits se sont ainsi allongés, le nombre de fournisseurs et d’intermédiaires a explosé, les produits se sont complexifiés en faisant intervenir une multitude de matières primaires et transformées. Si bien qu’aujourd’hui, la supply chain est bien souvent illisible dès le second maillon, autrement dit au-delà du fournisseur de rang 1, faisant par là-même courir un risque opérationnel majeur aux entreprises… tout comme aux consommateurs en recherche de réassurance.
Un besoin de confiance qui s’exprime, désormais, au-delà de la simple sécurité alimentaire. Les consommateurs – en particulier les plus jeunes – font bouger les lignes en exigeant, aussi, des gages de transparence sur les enjeux sociaux et environnementaux. À l’image de ces 30?000 étudiants de grandes écoles françaises qui ont signé, fin 2018, un Manifeste pour un réveil écologique, rappelant que nos sociétés continuent leur trajectoire vers une catastrophe environnementale et humaine. Ces jeunes veulent inscrire dans leur quotidien, une ambition sociale et environnementale, en consommant mieux et durablement, en travaillant pour des entreprises qui correspondent à leurs valeurs.
Dans le même temps, pour rassurer et protéger les citoyens, les gouvernements édictent des réglementations. En France, le devoir de vigilance qui a vu le jour suite au tragique accident du Rana Plaza, impose aux plus grandes entreprises de recenser tous les risques sociaux et environnementaux encourus par elles comme par leurs sous-traitants, en France et à l’international.
Enfin, il y a les marques et les distributeurs, de plus en plus convaincus par cette nécessaire gestion des risques. Une prise de conscience encore discrète, sans effet de masse, mais où des leaders d’opinion, souvent de grandes entreprises, montrent la voie. Ils ont compris que le temps des allégations marketing est révolu pour laisser la place à un discours de preuves, tangibles. Car c’est bien toute la chaîne de confiance de cet écosystème qu’il faut rétablir, de la source au consommateur, pour assurer leur valeur de marque. Des acteurs comme le Groupement des Mousquetaires avec son travail sur la filière bio, Carrefour sur la filière coton ou, encore, Mars Food sur le riz basmati, font figure de pionniers. Ce travail de transparence le plus en amont possible de la supply chain est extrêmement long, souvent mené en partenariat avec des acteurs alliant expertise du terrain et plateforme collaborative sécurisée. Et se heurte, souvent, à la crainte des fournisseurs de partager des informations. Mais les leaders d’opinion le répètent à l’envi: le seul salut possible ne peut être qu’un salut collectif. Avancer ensemble, restaurer la confiance entre les acteurs pour garantir cette transparence de la chaîne d’approvisionnement, première étape incontournable pour bâtir une traçabilité sur des données fiables qui, pourquoi pas, ensuite, pourront être poussées, à grande échelle, dans une blockchain afin de fournir un réel discours de preuves aux consommateurs.