Cachez ces jeunes que l’on ne saurait voir. Cela pourrait-être la devise des distributeurs. Non qu’ils ne s’intéressent pas à cette génération Y réputée insoumise. Mais quoi qu’ils fassent, elle leur échappe. Zappeuse mais affective, exigeante mais fauchée, polymorphe dans tous les cas, la population des 18-30 ans est une cible mouvante, hermétique à toutes les classifications, toutes les segmentations chères au marketing. C’est la terra incognita. Comment attirer ces jeunes dans les hypermarchés? Comment les fidéliser à une marque, une enseigne? Ou encore, faire du centre commercial leur premier lieu de rendez-vous? Autant de questions auxquelles marques et enseignes peinent à répondre. “Il est certain que les consommateurs de demain n’iront pas pousser leur chariots à l’hypermarché comme le faisaient leurs parents”, prévient Jean-Marc Megnin, directeur général d’Altavia ShopperMind. Devant un tel constat, la tentation de faire l’autruche, en attendant que jeunesse se passe, n’est pas loin…
Erreur. Car les Y, à défaut d’être constants, vont devenir puissants. De par leur nombre, d’abord. Ils représenteront, en 2020, 75% des forces de travail. Difficile de les ignorer. Ensuite, parce que s’ils ne consomment pas encore autant que leurs parents, ils parlent déjà beaucoup. Sur les réseaux sociaux, où ils ont le droit de vie ou de mort sur les marques. Au sein de leur communauté d’amis auprès desquels ils exercent leurs talents d’ambassadeurs. Inutile d’essayer de les convertir. Encore moins, de les fidéliser: ce sont eux qui décident, qui choisissent et qui aiment. Les marques en perdent leur latin. C’est toute la grammaire du marketing qui est à réinventer face à ces profils atypiques et traumatisés par la crise. Passionnant défi pour certains, pari sur l’avenir pour d’autres, ce qui est sûr, c’est que les Y ont jeté un pavé dans la mare. Oublié, le standard du consommateur passif et de la suprématie des marques, pour séduire les générations à venir, il faut faire profil bas.
Exit les discours, place aux actes. Chez les Y, transparence et sincérité sont les présupposés de la relation client. Les publicitaires ont du souci à se faire. Sans compter que les Millennials (18-25 ans) – baptisés digital natives parce que nés avec le digital – ont pour sixième doigt leur smartphone. Ne pas intégrer ce medium dans sa stratégie marketing, c’est se mettre hors-jeu dès le départ. Un apprentissage à vitesse grand V pour les marques qui, à peine après avoir commencé à dompter le world wide web et son océan de données, doivent appréhender une nouvelle façon de consommer. Sur Internet comme en magasin, c’est désormais l’expérience qui compte. L’acte d’achat devient social. Si les années 90 vibraient au son d’ “Act like you know” du Fat Larry’s band, 2015 célèbre l’époque du “Share what you know”. On se partage les tuyaux et les bons plans sur le web, on compare les offres en magasin, on se retrouve au centre commercial pour passer du temps, et peut-être acheter. Mais pas forcément.
Car soyons honnêtes. Dans une ère post-crise où l’on sait déjà que les enfants vivront moins bien que leurs parents, qu’ils seront confrontés au chômage et à l’incertitude professionnelle et matérielle, la promesse du bonheur par la propriété et la consommation ne fonctionne plus. La machine à rêves a explosé en vol. Plus pessimistes, les Y sont, néanmoins, et davantage que leurs aînés, sensibles à la valeur des choses. C’est donc par la valeur que les marques peuvent les toucher. En apportant un supplément d’âme à une génération désenchantée, à travers une offre plus durable, plus socialement responsable. Moins de bling-bling, plus de qualité. Une façon de reconstruire l’avenir sur des bases solides et redonner toute sa place à une jeunesse sacrifiée. Pour atteindre, enfin, l’île du point Y.