Alors comme ça, nous allons tous manger, boire et vivre bio. Ce sont les chiffres qui le disent: en 2017, le marché a enregistré plus de 8?milliards d’euros de chiffre d’affaires, affichant une progression de 17%. La vague verte serait-elle en train de déferler? Pas vraiment. Derrière cette insolente croissance, certes révélatrice de l’intérêt croissant des Français pour une consommation plus saine et durable, la réalité est toute autre. Le bio ne représente que 4,5% de notre alimentation: pas de quoi s’emballer. Oui, mais. Dans le commerce comme ailleurs, les signaux faibles sont toujours les meilleurs indicateurs d’un mouvement à venir, d’une tendance naissante, d’un marché en éclosion. S’il faut raison garder et ne pas se fier uniquement aux campagnes de communication tonitruantes qui voudraient nous faire croire que tous les Français se sont convertis à la culture bio, il est temps de regarder en face les raisons de cet engouement, mais aussi les obstacles à son développement.
À une époque où les préoccupations environnementale, sanitaire et sociale prennent le devant de la scène, difficile de ne pas prôner un retour à une consommation plus raisonnable, plus qualitative qu’expansive, et profitable à tous. Sauf que le passage d’un discours volontariste à la complète réorganisation des échanges commerciaux ne se fait pas en un jour. Au-delà de l’argument vert et commercial, il s’agit d’une vraie révolution à mener tout au long de la chaîne agroalimentaire, de l’amont à l’aval. Renégocier les contrats avec les producteurs locaux, réviser le prix des denrées, s’approprier une nouvelle culture bio fondée sur un bénéfice durable et non sur un profit immédiat. L’antithèse, en sorte, de la grande distribution. Cela implique de respecter la saisonnalité et de prendre le risque de ne pas mettre de tomates en rayon au mois de décembre. Cela signifie faire des choix qui vexeront les clients et peut-être les feront fuir, pour un temps. Qui, aujourd’hui, est prêt à courir ce risque?
Course aux prix bas et production bio restent, pour l’heure, immiscibles. Les capacités de production en bio peinent à répondre à la demande et il n’est pas envisageable d’accélérer davantage le rythme des conversions et de la commercialisation, sous peine de fragiliser une chaîne agricole déjà en difficulté. Le Plan Ambition 2022, qui vise à atteindre les 15% de surface agricole bio d’ici 4 ans, devrait parer aux risques de pénuries mais le marché ne deviendra mature que si les méthodes changent. Favoriser les circuits courts, choisir entre le bio non local et le local non bio, tenir compte du pouvoir d’achat des Français et des contraintes des producteurs: cet écosystème que les distributeurs spécialisés maîtrisent et optimisent reste un terrain vierge pour les enseignes traditionnelles. À tel point que l’on voit se dessiner deux voies au bio: d’un côté, celle qui surfe sur l’effet de mode et y voit une opportunité de marché sans remise en cause d’une logique de massification. De l’autre, celle qui construit, brique après brique, une société de consommation responsable. Le bio comme moyen ou comme fin.
Entre ces deux offres, les Français hésitent. Eux non plus ne sont pas encore prêts au 100% bio même si beaucoup y aspirent. Ce qu’ils veulent, avant tout, c’est de la transparence et s’il existe un point de convergence entre GSS et GMS, c’est bien dans la traçabilité qu’il se trouve. À vous, distributeurs, de les informer, à eux de choisir. Le bio, à lui seul, ne fait plus illusion. La qualité prévaut.