Remboursement de la dette en stand-by

C’est sous l’égide du mandataire ad hoc, Hélène Bourbouloux, nommée en janvier dernier par le tribunal de commerce de Paris, que vont se dérouler les prochaines négociations entre Vivarte et ses créanciers. Après avoir vainement tenté d’obtenir le gel de ses covenants bancaires - n’ayant recueilli que 61,5% de voix favorables de ses prêteurs, contre les 66% normalement requis par la littérature bancaire - le groupe a annoncé le report des remboursements de sa dette. Le propriétaire, entre autres, des marques André, Naf Naf, La Halle, Kookaï et Caroll, supporte une dette d’acquisition de 2,8 Mds€. Un fardeau de plus en plus lourd à porter que Vivarte n’a cessé de perdre en rentabilité. Alors qu’il enregistrait un chiffre d’affaires de 2,3 Mds€ en 2006, le groupe a été vendu 3,5 Mds€ sous forme de LBO au fonds Charterhouse en 2007 qui s’en est rendu acquéreur pour 400?M€, le reste faisant l’objet d’un financement par endettement. Une situation qui, a priori, n’a rien de catastrophique: ”Il n’est pas anormal que, sept ans après son rachat, Vivarte affiche toujours 2,8 Mds€ de dettes au bilan de la holding parce que cette dette n’avait de toute façon pas vocation à être amortie en totalité pendant la durée du prêt”, explique Thomas Philippe, avocat chez Mayer Brown. Sauf qu’entre-temps, la crise de 2008 est passée par là, entraînant un retournement du marché, auquel le secteur du retail n’a pas échappé. L’enseigne phare de Vivarte, La Halle, a ainsi perdu 25% de son chiffre d’affaires et 80?M€ sur son Ebitda depuis 2011, passant de 140?M€ à 60?M€, faisant, par ricochet, tomber celui du groupe de 477?M€ en 2011 à 290?M€ en 2013. Difficile, dans ces conditions, pour la maison-mère de respecter le ratio sur Ebitda fixé par ses créanciers lors du rachat. “L’Ebitda est un critère important car derrière cela, c’est la problématique du niveau de levier qui importe. Puisque par principe, dans une opération de LBO, la revente de l’entreprise est censée rembourser les créanciers et de réaliser une plus value compte tenu du levier d’endettement”, indique Thomas Philippe. Et si la tendance devait évoluer de façon défavorable pour Vivarte, rien n’empêcherait les banques d’obliger le distributeur à remboursement anticipé, voire total, de sa dette.Protéger ses liquiditésCe qui explique pourquoi Marc Lelandais, le PDG du groupe depuis juillet2012, a décidé de prendre le problème de front en suspendant la totalité des intérêts et du principal de la dette le temps des négociations. Visant à ramener le montant de la dette d’acquisition à un chiffre plus supportable - le chiffre de 1,75 Md€, pour un ratio dette-Ebitda de 5 au lieu des 6,3 actuels circule. “Dans un univers ultra-concurrentiel et une consommation en berne, le management de Vivarte a fait le choix de protéger ses liquidités et ses marges de manoeuvre en privilégiant l’activité opérationnelle et le plan de transformation nécessaire à la compétitivité de ses 16 marques, autour de ses 22?000 salariés”, précise le groupe qui prévoit de disposer d’une réserve de liquidité “supérieure à 300?M€” pour assurer son plan de relance. Selon Thomas Philippe, “un arbitrage a été fait par le management de se mettre délibérément en défaut au titre de ses obligations contractuelles vis-à -vis de ses prêteurs pour continuer à financer le besoin en fonds de roulement du groupe”. La première mission d’Hélène Bourbouloux va donc être de demander à l’ensemble des créanciers de s’engager à ne pas mettre en exigibilité la dette nonobstant les cas de défaut qui ont conduit à l’ouverture du mandat ad hoc. Elle aura également un rôle d’arbitre à jouer, pour accorder les points de vue des 160 prêteurs de Vivarte. Le cas échéant, ce mandat ad hoc pourrait s’ouvrir sur une procédure de conciliation pour permettre à ceux qui souhaiteraient injecter de l’argent frais de bénéficier d’un privilège de “new money” leur assurant d’être remboursés les premiers en cas de revente. Un scénario classique pour les entreprises rachetées sous LBO entre2007 et2008, en haut de cycle, mais dont la rentabilité s’est dégradée, sous l’effet d’une conjoncture économique morose, laissant prévoir un prix de vente, à la sortie, moins bon que celui exprimé lors de l’acquisition.