“Il faut en finir avec les lieux moches, inaccessibles, où l’accueil est détestable”. C’est, en substance, ce qu’affirme Christian Dubois, directeur retail chez Cushman & Wakefield. La course aux mètres carrés terminée, on parle désormais de rationalisation et d’optimisation du foncier. Ce n’est pas tant le désamour des Français pour le commerce physique qui est en cause, mais tout l’écosystème du retail qui s’est vu chambouler par les acteurs du digital. De l’autre côté de l’Atlantique, on regarde les malls tomber.
Toys’R’ Us et Sears ont baissé le rideau. Et à en croire le rapport publié par le Crédit Suisse en 2017, 25% des grands centres commerciaux américains disparaîtraient d’ici les cinq prochaines années, conséquence d’une large vague de fermetures de magasins. La France va-t-elle connaître le même sort? Non, soutient le CNCC. Pour la première fois depuis des années de déclin, l’indice d’activité des centres commerciaux a progressé de +0,9% entre juin2017 et juin2018. Les malls les plus récents, dotés d’équipements commerciaux et technologiques dernier cri (Muse à Metz, B’est en Mozelle ou The Village à Lyon), affichent les meilleurs résultats. L’immobilier commercial n’a pas dit son dernier mot.
Mieux, il se réinvente. Au Mapic comme au Siec, les acteurs du retail (foncières, commerçants, e-marchands) jouent cartes sur table. Qu’importe de savoir à qui incombe la responsabilité de la baisse du trafic globale, l’heure est au dialogue entre bailleurs et enseignes avec, pour arme commune, la fameuse data. La clé de la connaissance client. On n’en saura jamais assez sur les désirs du consommateur. Personnaliser les services, l’accueil, le parcours d’achat… le digital a ouvert de nombreuses pistes d’amélioration. “Les outils IT sont des leviers pour les retailers qui veulent améliorer l’intelligence commerciale et relationnelle sur le point de vente”, assure Fabrice Bansay, le directeur général d’Apsys. En attendant que se mette en place une véritable collaboration omnicanale, les foncières continuent d’innover. En créant des hyper lieux, notamment, ces nouveaux concepts mixtes qui mêlent shopping, restauration, loisirs, bureaux et hôtellerie. En inventant des centres commerciaux connectés, multifonctionnels et durables. Des “better places” où il fait bon vivre autant que d’acheter.
Oubliée, la laideur des périphéries commerciales, pour Mathieu Boncour, responsable des relations institutionnelles de La Compagnie de Phalsbourg, “quand on fait du beau, on fait du bien”. L’on comprend mieux, alors, la position de Christian Dubois. La vacance commerciale n’est que le signe de la désaffection des Français pour un commerce sans âme, ni beauté, ne jurant que par le gigantisme et l’exhaustivité, et surtout, qui n’apporte aucun service. Car si certains d’entre eux attendent des magasins du rêve et de l’expérience, tous, en revanche, recherchent la fluidité. Comment expliquer le succès des commerces en gare? Parce que les foncières ont compris qu’en étant présentes sur le trajet des clients pendulaires, elles facilitaient leur quotidien. On n’imagine plus, aujourd’hui, un centre commercial qui ne proposerait pas de click and collect, la e-réservation (en boutique ou restaurant), ou encore, un espace dédié aux casiers pour venir retirer ses commandes passées sur Internet. C’est en ignorant le virage numérique qu’avaient pris leurs clients avant eux que Toys’R’Us et Sears se sont effondrés. De ces échecs, une leçon est à retirer: ce que le consommateur veut, le retailer doit le vouloir aussi, s’il ne veut pas capituler devant le web.