Il aura suffi d’une affiche, d’un prospectus ou d’une publicité à la radio annonçant la promotion de -70% sur le prix du pot de Nutella format familial pour que des centaines de clients se ruent dans les hypermarchés, créant une véritable émeute où même des coups ont été distribués. Coup de folie ou dérive d’une logique de prix? Pas étonnant que le gouvernement s’attaque actuellement au dossier des promotions et seuil de revente à perte, dans le cadre d’un futur projet de loi. Cela fait bien longtemps que les producteurs déplorent des tarifs éloignés des coûts de production et dénoncent les marges réalisées par les distributeurs. Mais du côté des consommateurs, la question demeure: pourquoi s’affolent-ils autant face à un rabais sur un produit du quotidien?
Crise économique, société sous tension, peur du manque sont autant de facteurs qui font basculer les foules dans l’émotion, au détriment de la raison. Dans un monde de la grande consommation où les individus ont souvent l’impression de se faire avoir, lorsqu’ils découvrent pendant les soldes le “véritable” prix des produits qu’ils achètent, difficile de ne pas sentir comme un sentiment de trahison. La promotion apparaît comme une réparation et il n’est que justice de se jeter dessus pour compenser les euros en trop dépensés tout au long de l’année. Soit. S’en tenir, toutefois, à cette interprétation éluderait le véritable déclencheur de l’événement. Le cadre posé, reste le détonateur: les réseaux sociaux. Car c’est bien le relais médiatique sur la toile qui a fait de ce micro-scandale (quelques magasins Intermarché du Nord de la France seulement) un chaos. En quelques heures, on parlait déjà du #nutellagate.
C’est ainsi, à l’heure du commerce connecté, que naissent les crises. À travers quelques tweets bien sentis, des commentaires Facebook, des photos évocatrices postées sur Instagram. D’un côté, il y a les internautes qui font circuler l’information – dans ce cas, ladite promotion a provoqué un effet de masse dans les points de vente cités. De l’autre, les détracteurs, perplexes, violemment opposés au Nutella en lui-même, aux promotions, à la société de consommation et aux réactions démesurées qu’elle provoque parfois (les files d’attente devant les magasins Apple à la sortie d’un nouvel iPhone font l’objet des mêmes critiques). Très vite, l’émotion négative prend le dessus sur l’information et cela crée le bad buzz. Nulle marque, nulle enseigne aujourd’hui n’y échappe. La viralité s’est immiscée dans la communication malgré elles, parfois contre elles. Le pouvoir des réseaux reste souvent circonscrit au web mais quand, parfois, celui-ci déborde sur la réalité, on en découvre toute l’ampleur et la capillarité.
Voilà pourquoi, en près de dix ans, les réseaux sociaux font l’objet d’un intérêt tout particulier. Il n’est pas une marque qui ne possède aujourd’hui sa page Facebook, son compte Twitter, Instagram ou Snapchat, parfois les quatre en même temps. Comme le démontre encore une fois “l’affaire” Nutella, ces nouveaux canaux de communication offrent le pire et le meilleur du digital. La puissance de l’instantanéité, une porte ouverte sur les désirs (ou rejets) des internautes, un lien direct avec les consommateurs. Mieux que tous les focus groupes réunis, certes mais à destination d’entreprises aguerries. Le terrain est miné, le bad buzz à portée de clic, et surtout, l’humour et la distance prévalent sur la communication. D’ailleurs, la prochaine émeute sur les brocolis à 0,79?euro est annoncée…