Parler d’amour plutôt que d’argent. Rêverie douce-dingue et décalée à une époque où la crise économique et la performance des entreprises demeurent le centre de préoccupation des dirigeants? Pas tant que cela. Face aux évolutions technologiques et sociologiques, les vieilles recettes du marketing, basées sur l’éternel axiome contacter- recruter- fidéliser, deviennent caduques. La demande faiblit, les modes de consommation alternatifs – location, achat-revente, recyclage – séduisent de plus en plus. En clair: la société évolue, le marketing doit suivre. Fini les techniques de persuasion et l’argumentation, aujourd’hui, ce qui fait vendre, c’est l’émotion. “Le consommateur n’est pas un robot. Il a un cœur, des sentiments. Et la voie des sentiments est importante pour faire des choix”, souligne Enrico Colla, enseignant chercheur à Advancia-Negocia. Et les sentiments, justement, ça se monnaie.
Bienvenue dans l’ère du marketing émotionnel. Alors que la vague digitale inonde le commerce de ses outils high-tech (écrans, bornes tactiles, applications mobiles, casiers de retrait Click & Collect…), le client continue, lui, de rechercher le contact physique et la rencontre sur le point de vente. L’utopie du magasin sans homme a fait long feu. Plus que jamais indispensable, le vendeur se transforme en super-conseiller, super-ambassadeur ou super-expert, selon le profil des consommateurs et le type d’enseignes. Mais, dans tous les cas, il est le “premier vecteur d’émotions en magasin, il est celui qui va être capable d’entendre le besoin du client, de décoder ses émotions et, par conséquent, de l’accompagner dans l’acte d’achat”, explique Aurélie Duclos, coach professionnelle et formatrice sensoriel. Obligeant les distributeurs à repenser la fonction vente et redéfinir les rôles du personnel sur le point de vente. “Il est difficile de transformer des vendeurs spécialisés en commerciaux souriants”, souligne le spécialiste du marketing Christophe Bénavent. Qui plus est en animateurs. Et si la révolution digitale était d’abord une question de gestion des ressources humaines?
Car le magasin de demain (et d’aujourd’hui?) ne pourra plus se limiter à être une simple usine à vendre. Désenchanté, le consommateur post-moderne a besoin de sensations fortes, d’expériences qui le relient à l’enseigne ou à la marque. De quoi lui donner envie de se lever de son canapé pour sortir faire ses courses en magasin. L’explosion des pop’up stores, ces magasins éphémères qui créent l’événement sur une période limitée et offrent un lieu de rencontre entre une marque et ses acheteurs, en est l’exemple. Pour Éric Carabajal, président de Popai France, “l’important, c’est que les gens prennent plaisir à aller en magasin”. Une attention particulière, un service personnalisé, un cadre agréable: de multiples pistes restent à explorer pour ré-enchanter l’acte d’achat. Odorat, toucher, ouïe: le marketing sensoriel participe au confort d’achat. Utilisé à bon escient, il peut même faire la différence. Mais il ne suffit pas. Pour construire une véritable relation affective avec le consommateur, il faut y ajouter de l’humanité. Et, pourquoi pas, de l’amour.
C’est toute la stratégie des lovemarks, ces marques aimées par leurs clients qui en deviennent les meilleurs porte-paroles. Si Apple est passé maître en la matière, d’autres marchent dans ses pas, à l’image des Français Michel et Augustin qui organisent des événements et portes ouvertes pour rencontrer leurs consommateurs. “S’intéresser au client plutôt qu’au produit: cela rend le métier de marketeur plus passionnant”, note l’expert en partenariat de marque Patrice Laubignat. Un avis visiblement partagé par les services marketing de la marque Milka. En articulant leur campagne de communication “Le dernier carré” sur l’amitié et le partage, la marque a fait ses premiers pas dans le marketing émotionnel. Avec succès. Preuve que le romantisme est, lui aussi, facteur de rentabilité.