En France, on aime les oppositions. Les anti et les pro. Il en est ainsi dans le débat sur la revitalisation des centres-villes. Cet été, le député de l’Hérault et président de l’association Centre-Ville en Mouvement Patrick Vignal, a alerté le président de la République Emmanuel Macron de la situation alarmante dans laquelle se trouvaient les villes de moins de 50?000 habitants où la vacance dépasse les 11%. En ligne de mire: le commerce de périphérie et ses installations dévorantes à l’entrée des villes. Pour mettre fin à la désertion des cœurs de ville, le député a demandé un moratoire d’un an sur l’extension des surfaces commerciales. “Pourquoi pas”, a réagi le ministre de la Cohésion des territoires, Jacques Mézard. Mais l’accusé est-il vraiment coupable?
Évidemment non, selon le CNCC qui refuse que l’on accable de tous les maux les centres commerciaux. Pour preuve: ces derniers souffrent pareillement de la vacance et ces dernières années, les mètres carrés se sont multipliés plus vite que les ventes. D’ailleurs, au sein de la profession, peu d’acteurs soutiennent l’idée d’un moratoire. Faire du centre-ville la grande cause nationale de 2018, comme le soutient Centre-Ville en Mouvement, d’accord. Cependant, faire la guerre à la périphérie ne résoudra pas le problème des centres-villes. Encore faut-il en déterminer les causes réelles. À Bourges, Pascal Blanc, le maire, se donne jusqu’en 2020 (fin de son mandat) pour “faire une pause” dans la construction de nouvelles surfaces commerciales en périphérie et “prendre le temps de la réflexion” pour comprendre pourquoi son centre-ville est à la peine.
Saine démarche, en temps de crise, que de privilégier la réflexion à l’action. Sauf que le gel des projets commerciaux n’est pas du tout du goût de Bercy. Comme l’a rappelé, en octobre dernier, Pascal Faure, directeur général des entreprises et représentant de Benjamin Grivaux (secrétaire d’état auprès du ministre de l’économie et des Finances): la liberté du commerce est un “droit fondamental” et “pour ces raisons constitutionnelle et européenne, le ministère de l’Économie et des finances n’est pas favorable à imposer des contraintes qui remettraient en cause cette liberté”. Fin du débat? Pour Pierre Creuzet, directeur fondateur de Centre-Ville en Mouvement, le combat est loin d’être fini et l’idée d’un moratoire, pas encore enterrée. “La création d’un ministère dédié à la cohésion des territoires, c’est bien le signe que le gouvernement a pris conscience des difficultés rencontrées par les villes”, affirme-t-il. Et pour cause: la vacance commerciale n’est que l’arbre qui cache la forêt.
L’exode rural, la décentralisation, l’étalement urbain, le déplacement des sièges d’entreprises, des services publics et des administrations des cœurs de villes vers la périphérie pour des raisons de coût et d’espace sont autant de facteurs à la déshérence des centres-villes. Seule une politique de la ville forte, capable de dépasser les clivages politiques pour s’inscrire dans le temps, peut endiguer ce phénomène. En imaginant, par exemple, de nouveaux lieux de vie, espaces de convivialité et de shopping s’intégrant parfaitement, tant sur plan architectural que commercial, dans leur environnement urbain. Lyon et Bordeaux y sont parvenus, en privilégiant la synthèse à l’antithèse. Pour les villes moins bien loties que ces métropoles en pleine expansion, l’engagement de l’État, en soutien aux collectivités locales, est plus que jamais d’actualité. Sans équivoque, le centre-ville mérite bien d’être déclaré grande cause nationale 2018.