La notion du temps est relative. Si vous demandez à un consommateur combien de temps il passe à faire ses courses au supermarché, nul doute qu’il vous répondra: le plus vite possible. Mais imaginez ce même client se presser à la vente privée d’une grande marque de luxe ou du retail. Il sera capable de se lever aux aurores, patienter une heure dans une file d’attente interminable et jouer des coudes dans un hangar pour dénicher l’accessoire ou le vêtement portant la griffe tant aimée. On l’aura compris: l’être humain n’est pas toujours impatient. Seulement, son temps est précieux et il veut le consacrer à faire des choses qu’il aime. Cette dualité – contradiction, même – inhérente au consommateur, donne du fil à retordre aux distributeurs.
Prenons l’exemple de la livraison. Jusqu’à il n’y a encore pas si longtemps, on n’éprouvait pas vraiment de frustration à ce qu’il faille attendre une semaine pour que notre colis commandé auprès d’un spécialiste de la vente à distance arrive chez nous ou en point relais. Je suis de cette génération La Redoute où on allait encore chercher son pull dans les points de retrait de la marque, nichés un peu partout dans les centres-villes. On essayait le produit et s’il ne convenait pas – c’était d’ailleurs souvent le cas – on le renvoyait et la vente était nulle. C’était comme ça. Jusqu’au jour où Amazon, Internet et le monde digital sont venus bousculer l’ordre des choses. Ce n’était plus J+7 mais J+2 puis J+1 et puis, aujourd’hui, H+1. Bref. Le temps de la livraison s’est tout à coup accéléré. Pris dans le tourbillon de cet emballement technologique, nous, les consommateurs, nous avons fait nôtre la nouvelle temporalité imposée par les géants du web. Au point que de ne pas recevoir son livre dans les 48h est devenu insupportable. Nous sommes devenus des hommes pressés.
Face à nos exigences accrues, les acteurs de la logistique se sont mis en branle. Intégrant des nouveaux logiciels, automatisant et robotisant les supply chains, ils se sont mis à l’heure d’Internet et du temps réel. Car c’est bien là que se joue l’avenir de la livraison: la capacité de donner au client une visibilité sur l’acheminement de son produit, du premier (la sortie de l’entrepôt ou du magasin) au dernier kilomètre. Les enseignes alimentaires ont trouvé une parade pour résoudre l’insoluble équation économique du dernier kilomètre: le drive, voiture et maintenant piéton, au cœur des villes. Les autres tâtonnent encore et développent des offres de click and collect. Reste que le seul, aujourd’hui, à apporter au consommateur fainéant la seule chose qu’il désire – surfer, cliquer, commander puis être livré sans jamais avoir à sortir de chez soi – est Amazon.
Amazon le terrible, roi tout-puissant de la livraison et du service, est venu tisser sa toile en France, jusqu’à Paris. Pressant un peu plus les enseignes du retail à réinventer et moderniser leurs systèmes de livraison. Toujours plus vite, toujours plus proche du consommateur, tel est le nouveau mantra du commerce. La livraison est devenue un véritable enjeu marketing, au même titre que l’offre, et la négliger peut conduire tout simplement à être blacklisté. Si la technologie a raccourci les durées, modifié notre perception du temps et transformé nos vies en perpétuelle chasse aux heures perdues, c’est bien pour les retailers que la course contre la montre a commencé.