Elles ont toutes “l’innovation (qui) fait partie de notre ADN”. Une étourdissante rengaine que les entreprises, industriels comme distributeurs, reprennent en chœur, égrenant leurs argumentaires d’éléments de langage nourris par ce précieux sésame censé leur ouvrir les portes de la modernité. Innovation, un mot magique, qui gommerait les archaïsmes, une représentation dans l’imaginaire collectif qui délivrerait un passeport pour la réussite. Clivant, du même coup, ceux qui innovent et avancent et ceux qui restent à la traîne, à bout de souffle.
Dans cette dynamique forcée pour “rester dans le coup”, les entreprises du commerce ont, à l’heure de la data et des nouvelles technologiques, d’abord fait preuve d’une boulimie quasi extatique, piochant, çà et là, façon geek, tout ce qui se présentait: le dernier écran géant, le dernier gadget high-tech, le robot qui amuse les enfants à l’entrée du point de vente… Un écran, c’est bien, mais encore faut-il un contenu cohérent et pertinent. Pareil pour les bornes interactives qui se sont quasiment toutes évaporées.
Une fois l’effet whaouh?! retombé, place à la rationalisation. Après un travail d’élaboration constructif, les enseignes semblent avoir intégré les nouvelles lois de l’innovation. Fini le bling bling, l’heure est à un digital plus discret, avec, à la clé, plus de services et, surtout, une pertinence opérationnelle: visibilité sur les stocks, disponibilité des produits, logistique optimisée en temps réel, prévisions et machine learning pour des scenarii prédictifs pertinents.
Un retour aux fondamentaux qui s’exprime, aussi, par un gommage en profondeur des irritants qui viennent perturber le parcours d’achat du consommateur. Avec, en tête des réactions allergiques les plus prégnantes: l’attente en caisse, capable de déclencher des irruptions telles que le consommateur décide de laisser en plan son panier de courses. Monoprix l’a bien compris. L’enseigne propose au client porteur de sa carte de fidélité de déposer son chariot rempli devant la caisse dédiée à la livraison et d’attendre tranquillement chez lui que ses courses arrivent pour les régler.
Dans le rituel beauté des enseignes, le gommage des irritants s’accompagne, ainsi, d’une promesse de praticité, de bien-être et de plaisir. Une combinaison gagnante que les enseignes physiques tentent de décrocher. Elles investissent dans les innovations capables d’améliorer l’expérience client avec, en ligne de mire, la recherche d’un parcours fluide et sans coutures entre tous les canaux de vente. Elles investissent sur la théâtralisation de l’offre, l’aménagement des espaces, la mise en lumière pour s’adresser aux émotions et convaincre. Elles investissent, aussi (trop peu), sur ce pilier et ce vecteur essentiel du commerce: l’humain. Pour faire émerger de nouveaux concepts, pour conseiller, pour mettre en scène les produits, pour créer un espace de services et de convivialité, sans allergènes et avec plus de plaisir.