L’impératif des marques en Chine

Points de vente: Quel est le potentiel du marché du commerce électronique en Chine?Dimitri Xavier: Le marché du e-commerce est déjà bien présent et il est très porteur. Les données disponibles sont assez significatives: la Chine compte actuellement 410millions d’utilisateurs d’internet, soit 28% des internautes mondiaux. Près de 37% de ces internautes effectuent des achats en ligne. Les ventes en lignes (B2C et B2B) représentent aujourd’hui 120?milliards de dollars et atteindront 320?milliards en 2015. La Chine sera alors le 2e marché mondial pour l’e-commerce après les États-Unis. Cette croissance viendra du développement à marche forcée des infrastructures télécoms et de l’internet haut débit en Chine à un prix qui le rend très accessible (10?$ par mois en Chine contre 30?$ en Inde et 27?$ au Brésil). Par ailleurs, les ventes en ligne qui représentent 3,3% du volume total de la distribution, représenteront 7,4% en 2015, il a fallu attendre dix ans aux États-Unis pour atteindre ce niveau?! Côté “offre”, seul le canal e-commerce permet une couverture élargie de ce marché aux dimensions uniques: le pays ne compte pas moins d’une centaine de villes de plus d’un million d’habitants?!L’e-commerce chinois peut-il être un moteur de croissance pour des marques occidentales?Les consommateurs chinois achètent depuis plusieurs années des articles de marque par référence à l’Occident, comme signe distinctif. Aujourd’hui, il existe une véritable quête aspirationnelle des consommateurs. Ils veulent comprendre et s’identifier aux valeurs et aux codes des marques. Pour capter une clientèle exigeante et la fidéliser, les marques doivent porter haut leur message. L’e-commerce le permet car les clients des grandes marques en Chine sont des consommateurs jeunes, connectés et sociaux. Ils s’informent sur les produits et achètent en ligne mais aussi sur leur smartphone (la Chine est le premier marché de l’internet sur mobile avec 325millions d’utilisateurs). Ce sont également des créateurs actifs de contenus sur le net ; plus de 20% d’entre eux publient des commentaires sur les produits (moins de 10% aux États-Unis et 3% en Allemagne). Le canal digital est donc un média essentiel pour communiquer, à travers un site officiel mais aussi les réseaux sociaux locaux pour créer un rapport personnel et intime à la marque.Plus que de vente en ligne, ne s’agit-il pas alors d’une stratégie marketing globale?Les marques qui se lancent dans l’e-commerce en Chine ne misent pas sur une rentabilité à court terme de leur canal digital, mais sur une stratégie globale de développement sur le marché: assurer la cohérence cross canal du message de la marque, créer l’intimité et fidéliser leur clientèle et assurer la croissance à moyen terme sur un marché très convoité. Par ailleurs, ces marques doivent reconquérir un espace occupé par des sites tels que celui du géant Taobao qui a lui seul représente plus de 80% du trafic. Sur ce site de commerce C2C, ainsi que sur sa version B2C (Tmall), des agents privés brouillent sensiblement l’expérience de la marque en proposant des produits de grandes marques à prix cassés et une part non négligeable de contrefaçons. Pour une marque, créer un site officiel offre l’opportunité d’uniformiser le message sur les différents canaux, de rétablir la confiance des consommateurs et lutter contre le marché gris. L’e-commerce est également un formidable outil marketing en facilitant, via des moteurs de test, la connaissance des segments et des clients. Les marques ont ainsi la capacité de décoder les comportements, de mieux comprendre et cibler leurs segments de clients. Pour certaines marques, localiser le “storytelling” est un enjeu critique auquel peut répondre le canal digital.Faut-il s’attendre à une explosion de sites officiels des grandes marques et de portails de vente en ligne?Dans les années à venir, l’e-commerce va connaître une forte croissance, notamment le B to C. Ce dernier représentera en 2015 plus de 50% des ventes en ligne, passant de près de 30?milliards de dollars aujourd’hui à 150?milliards. Les projets de lancement de sites officiels des grandes marques sont nombreux et s’accélèrent depuis le début de l’année.Comment se comportent les grandes marques françaises dans cette bataille du web chinois?Les marques françaises sont encore à la traîne. Elles sont focalisées sur la croissance du réseau physique de leurs boutiques avec des plans ambitieux d’ouverture de magasins, notamment dans les grandes métropoles côtières du pays. Il me semble qu’elles ne saisissent pas suffisamment l’enjeu de l’expérience de la marque et de la fidélisation de leurs clients porté par le canal e-commerce.Comment l’expliquez-vous?La complexité opérationnelle freine l’élan des entreprises françaises. Pour différentes raisons réglementaires et techniques, il faut localiser la solution sur place avec des technologies et des partenaires locaux. Par exemple, il est indispensable d’utiliser les systèmes de paiements en ligne chinois. Par ailleurs, il est préférable d’héberger le site officiel en Chine métropolitaine. Les processus logistiques sont également différents avec notamment l’importance du Cash on Delivery (paiement à livraison qui représente plus de 60% des transactions). Tout cela nécessite de faire appel à un partenaire de confiance et peut expliquer la réticence de nombreuses sociétés. Autre facteur explicatif, la structure de gouvernance. Les grandes marques françaises sont souvent intégrées dans des grands groupes avec des modes de gouvernance complexes. Les marques américaines non intégrées sont parfois plus agiles et plus entrepreneuriales et prennent des décisions plus rapides.Quel est le risque de cette frilosité pour les grandes marques françaises?L’e-commerce B2C en Chine n’en est encore qu’à ses débuts, mais les grandes marques sont d’ores et déjà en ordre de bataille. La compétition s’annonce rude et il faut s’y préparer dès aujourd’hui.

L’impératif des marques en Chine

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