Ils y vont, mais toujours avec un petit retard à l’allumage. Et puis après, c’est l’escalade. Ça s’engouffre dans la veine commerciale, jusqu’à plus soif. Quand la chasse, version beta, s’est ouverte en mai, peu de retailers auraient misé sur l’affaire. Bulbizarre. Et puis, en juillet, les dresseurs du jeu de réalité augmentée Pokémon Go basé sur la géolocalisation ont envahi les rues. Roucool. Avec un seul mot d’ordre: attrapez-les tous?! Saquedeneu. On a vu éclore des cohortes d’humanoïdes sympathiques errant le nez rivé sur leur écran, soudain frappés d’une bouffée délirante hallucinatoire et collective, allant jusqu’à lancer leur Pokeball – et parfois leur smartphone – sur tout ce qui bouge, partout. Têtarte.
Alors les marques sont entrées dans la course, plus ou moins habilement. Suivies par les distributeurs. Il fallait faire quelque chose, paraître jeune, être dans le coup. Il fallait exploiter le filon. Les effigies de Pikachu sont platement apparues sur les boîtes de conserve, les publicités, les devantures. Carabaffe. Sablaireau. Poussiéreux (non, ce n’est pas un Pokémon). La réaction ne s’est pas fait attendre. Elle est venue du Japon. Évidemment. Là-bas, 5?000 restaurants Mc Donald’s sont devenus des Pokestops, ces lieux virtuels symbolisés par un petit cube bleu qui regorgent d’objets à gagner comme des Pokéballs (pour attraper les Pokémons), des œufs, des élixirs de soin. On y gagne aussi, de l’expérience (client?). Un enjeu pour créer du trafic, pour fidéliser une clientèle.
Car, moyennant une contribution à Niantic, la société créatrice de Pokémon Go, les commerces peuvent devenir des lieux de chasse. Certaines enseignes, comme BUT, offrent, d’ailleurs, des bons d’achats aux meilleurs dresseurs fréquentant leur point de vente. Monoprix a créé l’événement avec un corner dans son magasin de St-Michel, à Paris, où ont été distribués des “kits du dresseur”, avec la mention “C’est de la Ball”, contenant barre énergétique, crème solaire, pansements pour ampoule… Une très, très, (trop) bonne idée… La pokémania a provoqué une file d’attente de… 1?500 personnes. Au final, il a tellement fallu être patient, sous le soleil, pour espérer recevoir son kit, jugé parfois extrêmement léger, que les dresseurs ont fini par pousser de la voix sur les réseaux sociaux. Les réactions négatives l’ont emporté. L’humour et la dérision, aussi. Buzz contre-productif?
Si, comme le souligne Sophie Lubet, commissaire du salon Paris Retail Week qui ouvre ses portes du 12 au 14?septembre prochains à Paris, Porte de Versailles, “les technologies renforcent la dimension expérientielle des magasins”, il faut, sans doute, rester centré sur les fondamentaux du commerce. “La technologie doit servir une idée, porter une histoire”, estime Jean-Pierre Lefebvre, le président d’AKDV. Autrement dit, l’ère du grand bluff digital est révolue. Papilusion ?