Qu’est-ce que le commerce intelligent? Un magasin connecté avec, au cœur de son fonctionnement, la data client? Un réseau de magasins qui partagent son savoir-faire et ses bonnes pratiques? Une alliance bailleur-enseignes qui permet à chacun de faire progresser le chiffre d’affaires de l’autre? Eh bien, c’est un peu tout cela. Lors du dernier Carmiday, l’événement annuel organisé par Carmila, la foncière commerçante de Carrefour a exploré la notion de “smart shopping”, donnant aussi bien la parole à ceux qui gèrent les centres commerciaux qu’aux commerçants eux-mêmes. À ce rendez-vous était également présent un invité d’honneur, Cyril Grira, directeur retail grands comptes chez Google Entreprise France. Une invitation nullement anodine, quelques mois seulement après l’annonce d’un partenariat entre Carrefour et Google à l’issue duquel les produits du distributeur seront commercialisés en ligne sur les applications Google Shopping et Google Assistant. “Le retail vit une décennie marquée par des changements d’envergure. On ne fera plus ce métier comme avant. Un bon produit, un bon emplacement et des opérations clients ne suffisent plus. Avec le digital, le magasin est partout et à chaque interaction avec le client, la qualité de l’expérience online ou in-store est mesurée, quantifiée, évaluée”, affirme Cyril Grira. Un chiffre confirme ce propos: 58% des ventes en magasin sont influencées par le digital.
Jamais sans ma data
Si le magasin reste (encore) la destination finale, l’achat se prépare en amont sur Internet. “La data est devenue la pierre angulaire du retail”, précise le directeur. Or, seule 1% des data est aujourd’hui exploité… ”Imaginez ce que l’on pourrait faire avec l’ensemble de ces données?! C’est une opportunité unique d’expériences”, ajoute ce dernier. Amazon s’est lancé dans la course en investissant 16 Mds$ dans l’analyse de données et l’expérience client. Résultat: les recommandations aux consommateurs représentent aujourd’hui 35% de ses revenus. Certes, peu de distributeurs français disposent des moyens financiers du géant américain. Mais les outils IT qui se développent actuellement viennent pallier ce manque de trésorerie. “Google peut aider les retailers grâce aux leviers marketing de ses 7 plateformes et logos français”, indique Cyril Grira. Le moteur de recherche Google, Youtube, Gmail, Androïd, Gmap sont autant de points de contact marketing avec le client. “La technologie permet de faire les choses plus vite”, assure le directeur, ajoutant que Google met à disposition des retailers et partenaires clients ses infrastructures: “ces données vont permettre de comprendre le consommateur et de mieux piloter la stratégie commerciale et marketing”. Objectif: appréhender l’intelligence client, cet être curieux et impatient dont les recherches sur Internet deviennent beaucoup plus exhaustives… et inattendues?! Ainsi, la requête “meilleur poivre” sur Google a évolué dix fois plus vite que “meilleure tv”… Okay.
Nul ne saurait ignorer l’omnicanalité
Qu’importe la bizarrerie ou l’inconstance des consommateurs, il faut aller les chercher là où ils se trouvent. Et le premier lieu à explorer est le smartphone. “On a beaucoup parlé de mobile first, mais on va de plus en plus parler de mobile only”, confirme Cyril Grira, rappelant que 18% des Français ne se connectent à Internet que via leur smartphone. Un constat partagé par Quentin Jonas, directeur digital chez Carmila, aux manettes de 120 centres commerciaux. “Il faut s’inscrire dans l’environnement du client. Nous avons mis en place des outils pour que nos directeurs de centre puissent communiquer sur Facebook et partout sur le web, explique-t-il, si on n’est pas sur le net, on n’existe pas”. Mais être présent ne suffit pas, il s’agit aussi d’être précis et réactif, notamment en vérifiant la justesse des informations pratiques (horaires d’ouverture, accès, situation géographique) puisque ce sont elles qui vont guider l’internaute jusqu’au magasin. “L’omnicanalité, c’est partir du client et lui proposer un parcours fluide”, note Cyril Grira. Pour cela, Carmila a effectué une refonte totale de ses outils ERP et a adopté, dès sa création en 2011, une vision “store visited”, destinée à faire venir les gens dans ses centres commerciaux grâce à Internet.
Marketing local
Cette démarche digital native est complétée par une stratégie marketing déployée à l’échelle locale. Matérialisée par Le Kiosque, une boîte à outils au service des enseignes qui propose un ensemble de solutions digitales destinées à booster leur chiffre d’affaires, elle vise à accompagner les commerçants en quête de visibilité et de trafic, dans une optique drive-to-store. “Nous proposons des animations et des opérations à 360 degrés comprenant un relais de communication sur Facebook et des emails dédiés à un commerçant. Nous utilisons toute la base clients du centre commercial pour informer les clients et générer du trafic dans le point de vente”, décrit Déborah David, responsable Trade marketing chez Carmila, avant d’ajouter: “la promotion n’est pas suffisante, il faut réinventer l’expérience d’achat”. Grâce au Kiosque, le magasin Yves Rocher du centre commercial de Douai a pu organiser une soirée bien-être spécial filles le soir du coup d’envoi de la Coupe du Monde, en juin dernier. Cet événement lui a rapporté +60% de fréquentation et un chiffre d’affaires multiplié par trois en une seule journée. “Nous ne nous substituons pas aux enseignes nationales. Nous venons sur le local en complément des plans d’activations, on rajoute des piliers, amplifie des marronniers sur lesquels les enjeux commerciaux sont forts, avec beaucoup d’attentes en termes de chiffre d’affaires. Nous rajoutons des briques marketing avec des dispositifs digitaux et physiques”, souligne Déborah David. Carmila a déboursé 12?M€ pour développer ce service de marketing digital local et gratuit. Les opérations mensuelles enregistrées par Le Kiosque ont triplé depuis 2017 et 60% des commerçants ont intégré le dispositif. Des résultats dont se félicite le PDG de la foncière, Jacques Ehrmann: “notre travail est de considérer que le chiffre d’affaires n’est pas uniquement le problème des commerçants mais notre enjeu commun”. De quoi dépasser l’éternel clivage bailleur-preneur, pour instaurer un véritable partenariat gagnant-gagnant.