Pas une semaine sans qu’une nouvelle ne nous mette un coup au moral. Météo maussade. Comme si la pluie qui accompagne le quinquennat du Président Hollande était l’un des éléments les mieux partagés. À grand renfort de communications anxiogènes s’égrènent les chiffres du chômage toujours plus élevés, la baisse historique du pouvoir d’achat des ménages, la hausse du poids des dépenses pré-engagées, les marges rognées des entreprises, les taxes qui pleuvent elles aussi à tout va, les impôts qui s’envolent, les équations insolubles sur les régimes sociaux et les retraites dont les seules connues, c’est qu’il n’y aura pas de place pour tout le monde. Dernière nouvelle en date: les prix à la consommation ont augmenté de +0,1% en mai (soit 0,8% sur un an) selon l’Insee. Et pour les produits alimentaires, la hausse se monte à +1,8% sur un an avec une envolée des produits frais de +7,7%. De quoi donner confiance en l’avenir à tous les agents économiques, consommateurs comme entreprises?! Surtout quand on vous assure que ce n’est pas fini, qu’il va encore falloir se serrer la ceinture, mais que c’est un mal nécessaire qui finira par nous faire du bien. Personnellement, je me suis toujours méfié de ceux qui souhaitaient le meilleur pour moi… à tout prix.
Tout cela parce que l’on est parti d’un présupposé: mettre en place simultanément, en zone euro, des politiques de consolidation budgétaire drastiques et rapides allait permettre de retrouver la croissance et, donc la confiance des marchés financiers. Sauf que ces politiques d’austérité se sont, bien sûr, avérées contre productives pour restaurer la confiance. Et qu’un cercle vicieux s’est mis en place où le besoin de prouver sa crédibilité passait par davantage d’austérité qui réduisait à nouveau la croissance et hypothéquait la crédibilité de l’engagement de réduction de la dette publique. Avec, à la clé, des primes de risque en hausse et un prix fort à payer pour les pays les plus exposés aux marchés financiers avec des taux d’intérêt élevés. Des choix politiques de stratégie macro-économique qui se traduisent, au quotidien, par un pouvoir d’achat érodé qui pèse sur la consommation et donc sur les carnets de commandes des entreprises, par une érosion des rentrées fiscales qui dégradent la soutenabilité de la dette publique et poussent, au final, les Etats, à renforcer l’austérité budgétaire. Au prix d’une nouvelle récession. De la rigueur, certes, mais des coupes drastiques, simultanément, dans tous les pays de la zone euro, avec des multiplicateurs budgétaires élevés et en période de bas de cycle: c’est contre-productif. Et la majorité des économistes s’accordent, aujourd’hui, à le dire. Tout comme le FMI, voire la Commission européenne qui commence à infléchir sa position.
Et donc? Dans cette économie interconnectée, nous nous sommes arrêtés sur l’Asie au travers de notre enquête. La région a connu sa plus faible croissance depuis les années 1990. De “mauvaises” performances principalement imputables à la contraction de la demande étrangère. En Chine, la croissance n’est “que” de 7,8% en 2012, en partie à cause des hausses de coûts de production liées, notamment, à la progression des salaires qui s’est traduite par une baisse de compétitivité sur les marchés étrangers. Mais la région reste un Eldorado convoité par les marques comme par les distributeurs. La classe moyenne émerge. Le marché intérieur reste dynamique grâce à une croissance soutenue du salaire réel. Et globalement, l’Asie paraît mieux armée pour résister à la contagion européenne.
Alors comment rétablir confiance et croissance? Pour beaucoup, en l’absence d’une remise en cause de la stratégie macroéconomique européenne, la zone euro pourrait voir se mettre en place les conditions propices à une déflation dont les conséquences seraient catastrophiques. Ce qui fait dire à Paul Krugman, Prix Nobel d’économie, dans Courrier International, que “les décideurs se sont servis de l’analyse économique comme d’un poivrot se sert d’un lampadaire: pour s’appuyer, pas pour s’éclairer”. Espérons, cette fois, qu’ils y verront plus clair.
Directeur de la publication : Francis Luzin