On ne naît pas vendeur, on le devient. Cet adage n’aura jamais eu autant de sens qu’aujourd’hui, où le commerce flirte avec le digital sans, pour autant, s’y oublier. On ne le dit jamais assez: si les transformations se poursuivent au rythme de la technologie, les fondamentaux restent. Le rôle du vendeur est la clé. On a imaginé un futur du commerce où les robots prenaient la place des hommes. Dans certains pays d’Asie comme le Japon où l’âme robotique est particulièrement prononcée, c’est déjà le cas. À la marge, cependant. En France, Nao et Pepper, les robots humanoïdes ont un temps amusé lorsqu’ils ont débarqué chez Carrefour, Darty ou Sephora, mais le phénomène n’est pas allé plus loin que l’effet whaou.
Et pour cause. Les Français aiment le sourire de la boulangère. C’était d’ailleurs le titre d’une conférence TedX qu’a donné un spécialiste du retail coaching, Benoit Mahé. Ce dernier décrit son amour des boulangeries et le charme particulier de celles-ci, qui ne seraient pas ce qu’elles sont sans le fameux sourire de la vendeuse. De la même façon, n’apprend-on pas aux jeunes recrues des hypermarchés le SBAM (sourire-bonjour-au revoir-merci)? Vendeur et client ont une chose en commun: leur humanité. Ils sont faits de chair, partagent des émotions, communiquent. L’acte d’achat passe aussi par cette relation de confiance. Et plus il est impliquant, plus cela se vérifie. Il suffit de se rendre dans une boutique de luxe pour le constater. En Corée, les vendeuses de Chanel offrent le thé ou le champagne à leurs clientes privilégiées et peuvent passer une après-midi à discuter avec elles avant d’enclencher la vente.
Certes le digital a changé la donne. Maintenant, le vendeur ne se contente pas d’offrir des petits fours mais il doit être connecté. Via des tablettes, des applis, les smartphones des consommateurs. Il doit connaître les produits, les prix, reconnaître les clients fidèles comme les premiers clients à fidéliser. Mais plus encore. Le commerce a changé de paradigme: Internet n’est plus le curateur et le magasin, le standard. C’est désormais l’inverse. C’est au point de vente d’assumer la curation et le vendeur devient guide, conseiller, coach, expert, assistant. Sa panoplie de compétences s’étoffe, ses casquettes se multiplient pour apporter un service toujours plus personnalisé au consommateur. Sur le papier, c’est formidable. Le magasin devient un lieu d’expérience enrichi au digital tout en conservant l’authenticité de la relation d’antan, comme celle que l’on tisse avec sa boulangère.
Dans la réalité, les choses se compliquent. Les vendeurs doivent effectuer de plus en plus de tâches (remise des colis, réservations sur internet, échanges…), savoir jongler entre les canaux, maîtriser l’univers digital, travailler la relation client… Or la formation fait encore défaut. Dans la grande distribution, l’enjeu est de taille. Une grande majorité des salariés a peu ou pas de diplômes. Idem dans le secteur de la vente en parfumerie. Face à l’énorme chantier numérique qui s’impose au secteur, la formation est plus que jamais une priorité. C’est ce qu’ont rappelé les derniers États Généraux du Commerce. “Seule, la technologie ne suffit pas. C’est l’ensemble des collaborateurs qu’il faut mobiliser”, souligne William Koeberlé, président du CdCF. Carrefour, Nocibé, Les Galeries Lafayette ont mis en place récemment des modules de formations digitales pour accompagner les salariés dans le changement. Tous devraient leur embrayer le pas. Car la révolution du commerce 4.0 ne se fera pas sans armes, ni sans chevaliers.