Clouée au pilori. La grande distribution a été vertement tancée par le gouvernement suite à l’affaire Lactalis. Mauvaise gestion des rappels de lots, défaillance dans les contrôles, irresponsabilité. Le ministre de l’Économie, Bruno Lemaire, a qualifié “d’inexcusable” l’incroyable raté des enseignes face au scandale sanitaire. Dans le cas présent, certes, le mot est fort. Sans doute devrions-nous parler de principe de précaution. Et dans ce sens, chacun y a mis du sien. À quelques semaines de Noël, alors que les Français avaient le nez dans leur liste de cadeaux, l’alerte au lait infantile pouvant contenir des salmonelles a été lancée. Lactalis, suspectant une contamination dans son usine de Craon, a demandé illico le retrait de plusieurs puis de la totalité des lots concernés, en France d’abord, puis dans le monde. Le protocole de sécurité a été respecté. Vent de panique chez les parents qui ont donné à boire du lait Milumel et Picot (marques de Lactalis) à leurs enfants. Menace de poursuites en justice des associations de familles des victimes.
Janvier. Retour de vacances et deuxième volet de l’affaire. L’on découvre que les marques Milumel et Picot sont toujours commercialisées dans les rayons des distributeurs français. Mea culpa général, stupeur et tremblements. Cette fois, le ministre tappe du poing sur la table et somme les enseignes de renforcer leurs méthodes de contrôle en rendant, notamment, obligatoire le contrôle électronique systématique en caisse. Une technologie qui n’a rien de nouveau, surtout quand, hélas, l’erreur reste humaine. Car c’est bien au niveau logistique que l’erreur s’est produite. Et il ne s’agit pas d’un cas isolé. Toutes les enseignes ont été concernées. Preuve, d’abord, qu’en dépit des supply chains les plus sophistiquées, de plus en plus automatisées, le risque zéro n’existe pas. La technologie ne règle pas tout.
Quant à la question: cette crise a-t-elle été mal gérée? Oui, mais sur le plan de la communication. On pensait pourtant, après le horsegate, les entreprises de l’agroalimentaire rôdées à l’exercice. Manifestement non. Lactalis n’a pas péché par ses process mais par son silence. Son PDG, le très discret Emmanuel Besnier a trop tardé à s’exprimer. Quand il l’a fait, et maladroitement, en proposant d’indemniser les familles des victimes – ce qu’elles ont refusé – il était déjà trop tard. Le doute de la culpabilité étaient déjà ancrés dans l’opinion publique. Sur ce plan-là, les enseignes s’en sortent mieux. Hormis la volée de bois vert du ministère, les consommateurs ne leur en ont guère tenu rigueur.
La grande victime, dans cette affaire – avec les bébés qui ont été touchés (mais pas de décès déclarés), c’est bien l’image de Lactalis. Oui, l’entreprise a informé – tout est écrit de façon transparente sur son site internet – mais elle n’a pas su parler aux consommateurs. Dans une tribune, la netnologue Caroline Faillet pointe le manque d’empathie du laitier qui a brillé par son absence sur les réseaux sociaux, là, où à l’inverse, Michel-Édouard Leclerc a été omniprésent, faisant un point régulier sur la crise au fil des semaines. “Il y a des postures qui apaisent et d’autres qui enveniment une situation déjà anxiogène”, écrit-elle, rappelant que le dernier post de Lactalis sur son compte Twitter date… de 2015?! Déconnectée de l’opinion, incapable d’investir ces nouveaux canaux de proximité que sont les réseaux sociaux, et aujourd’hui la voie la plus directe vers le cœur des consommateurs, Lactalis s’est rendu coupable de froideur. Peut-être la pire des critiques, dans une société éminemment connectée.