Ils se disent “sacrifiés”. Après les bonnets rouges bretons, c’est au tour des petits commerçants et des artisans de faire entendre leur voix contre la pression fiscale. Sur Internet, ils ont lancé une pétition: sauvonslaproximité.com. Dans la rue, ils placardent sur les vitrines des magasins des affichettes “Sacrifiés, mais pas résignés”. Pas de manifestation, pas d’échauffourées avec les CRS: l’UPA (Union professionnelle artisanale) a préféré la méthode douce aux altercations violentes. Seul un mini film aux accents dramatiques, diffusé sur la toile, vient rappeler l’urgence de la situation. Se déclarant déjà “asphyxiés par les charges sociales”, ces chefs d’entreprises redoutent le relèvement de la TVA en 2014 et ses conséquences sur le pouvoir d’achat. Et à en croire Jean-Pierre Crouzet, le président de l’UPA, “six entreprises meurent toutes les heures”. La Banque de France, de son côté, compte près de 54?000 faillites d’entreprises de moins de 11 salariés entre août2012 et 2013. En hausse de 4,3%.
Le constat est lourd. Mais pas désespéré. Car si les TPE n’ont pas, comme les multinationales, les moyens de jouer avec la fiscalité via l’optimisation fiscale, elles possèdent d’autres atouts que les grandes n’ont pas: l’agilité, la souplesse, la flexibilité. Selon la Fédération des Centres de Gestions Agréés (FGA), les bilans d’activités des petites entreprises restent stables au deuxième trimestre 2013. “On a vu peu de catastrophes dans le secteur”, constate Yves Marmont, son vice-président. Avec un chiffre d’affaires, à l’équilibre, de 0,9% sur les douze derniers mois, ce sont les commerces alimentaires qui tirent, le mieux, leur épingle du jeu. Profitant du regain d’intérêt des consommateurs pour le commerce de proximité et même… de la baisse du pouvoir d’achat?! Paradoxe pas si étrange quand on sait que remplir un chariot en hypermarché peut vite faire grimper l’addition. La proximité, c’est aussi la possibilité de n’acheter que ce dont on a besoin, avec l’argent dont on dispose. Avec la qualité en plus.
Hélas, le principe ne s’applique pas au secteur non alimentaire qui subit, lui, de plein fouet la concurrence des GMS et GSS. Et si un certain nombre de Français sont prêts à acheter leur viande et leurs légumes chez les petits commerçants, quand il s’agit d’achats impliquants (comprendre: chers), c’est dans la grande distribution qu’ils se rendent. Heureux d’y trouver des offres à prix bradés. Résultat, sur l’électroménager, la TV et la Hi-Fi, les TPE du commerce accusent une baisse de -12,7% de leur chiffre d’affaires en 2013. Quant aux vendeurs de biens culturels et de textile, ils sont les premières victimes du e-commerce, si tant est qu’ils n’ont pas déployé une stratégie digitale. Une conclusion qui vaut pour tout le monde. “La situation des petits n’est que le miroir de celle des plus grands”, résume Yves Marmont. La chute de l’empire Fagor et de sa filiale FagorBrandt révèle les failles d’un secteur qui peine à se renouveler. Pire, celle de La Redoute qui, sur le papier, avait toutes les cartes en main pour réussir sa conversion multi-canal. Mais ne devient pas e-commerçant qui veut. Surtout, lorsqu’en face, joue dans la même cour, le géant Amazon.
Petites et grandes entreprises, même combat? Face au défi d’Internet, au ras-le-bol fiscal et aux promesses oubliées du président de la République – au Conseil du Commerce de France, on se souvient encore d’un François Hollande candidat affirmer, qu’une fois élu, il se montrerait “très ouvert et favorable à une plus grande souplesse d’ouverture des magasins à condition qu’elle soit menée en concertation avec les salariés” -, c’est le commerce, dans son ensemble, qui doit se mobiliser. Et rappeler que 3,3millions d’emplois pour le secteur, quand la France atteint les 13% de chômage, ce n’est pas rien. Reste au gouvernement à écouter et à entendre. Puis à agir, enfin. Pour ne pas que la rébellion se transforme en révolte.