On peut tout rater dans sa vie. Son gigot d’agneau, sa carrière, son mariage, l’éducation de ses enfants… Ce qui compte, c’est de comprendre pourquoi on a failli et continuer à avancer. Réparer, si cela est encore possible. Se relever, toujours, et tâcher de reconstruire en mieux. On appelle cela tirer les leçons de ses erreurs. Telle est la philosophie de l’échec, si souvent reprise par les célèbres conférences TED (Technology, Entertainment and Design), à laquelle s’adonnent, de plus en plus, les retailers. Partout, tout le temps, on nous parle d’innovation. Dans les high-tech, on préfère le terme “disruption”. Innover pour grandir, innover pour ne pas mourir: chaque mois une solution innovante est célébrée par les pairs: il y a deux semaines, l’Institut du Commerce décernait le prix Sirius aux projets collaboratifs innovants entre marques et distributeurs. Cette semaine, c’est au tour du Popai d’encourager le développement des start-ups retail les plus prometteuses, à travers son 3e concours de Pitchs.
Cette émulation révèle une chose: le commerce bouge, évolue, se réinvente et se transforme. Bousculés par Internet, concurrencés par les pure players, déboussolés par des consommateurs aux usages sans cesse renouvelés, les acteurs de la distribution traditionnelle se sont lancés dans la fabrique du progrès, imaginant dès aujourd’hui le magasin du futur. Cela a donné naissance à de beaux projets, comme celui du Drugstore parisien, place de la Madeleine à Paris, qui unit Franprix à L’Oréal (primé par le Sirius de l’audace). L’enseigne n’en est pas à sa première initiative, loin s’en faut. Depuis 2015 et le lancement du concept Mandarine, elle multiplie les projets, teste, innove, rate parfois sa cible mais rebondit toujours. Pas étonnant qu’elle ait baptisé son dernier programme “Darwin”, empruntant son nom au théoricien de l’évolution. “Face à l’essor du e-commerce, notamment sur les courses de fond de placard, nous avons décidé de continuer de nous réinventer en capitalisant sur les atouts d’un magasin physique”. Ainsi se résument les grandes lignes qui dessineront les futurs magasins Franprix Darwin, dont l’ouverture est prévue le 22?juin prochain. Pour ce travail, l’enseigne a remporté le Grand Prix Sirius.
Dans ce contexte, il est temps de parler du ship from store. Loin d’être une espèce en voie d’extinction, les magasins s’adaptent à leur nouvel environnement. Certes, ceux qui rejettent l’évolution disparaîtront. Mais n’oublions pas – et les bâtisseurs de la grande distribution dont Casino fait partie sont là pour nous le rappeler – qu’il n’y a pas de nouveauté sans passé, de neuf sans ancien. C’est donc sur les fondamentaux du retail qu’il faut reconstruire et non repartir de zéro, au même niveau que les champions du web, si forts mais si fragiles lorsqu’ils sont privés d’une incarnation physique. Le magasin, avec ses quatre murs, ses réserves et sa vitrine sont les fondations du commerce et avec elles, il s’inscrit dans le futur. La livraison au départ des points de vente, qui devient, peu à peu, l’alternative incontournable de l’omnicanal nous prouve chaque jour que ces boutiques de centre-ville ou de périphérie, un temps menacées, sont le bien le plus précieux des retailers. Qu’elles deviennent des mini-entrepôts, des showrooms, des points de retrait ou des lieux d’expérience, qu’importe. Les nouvelles technologies (stock unifié, gestion en temps réel, géolocalisation, etc.) leur offrent une seconde chance. Une nouvelle vie. Il n’y a pas d’échec dans le commerce, il y a juste des abandons. Le retail n’a jamais été aussi près des sciences.
18 novembre 2018