Pot de terre contre pot de fer. L’image résume à elle seule le rapport de force entre grands groupes et PME. À moins de quinze jours de la fin des négociations commerciales, la Fédération des Entreprises et Entrepreneurs de France (Feef), qui rassemble plus de 600 entreprises indépendantes et familiales, tire la sonnette d’alarme: si le projet de loi Hamon sur la consommation est adopté comme tel, il en va de la survie des PME françaises. D’abord, parce qu’il pénalise les petites entreprises en préconisant le retour de la négociation ligne à ligne dans les plans d’affaires. De quoi “complexifier la formalisation des accords”, selon Dominique Amirault, le président de la fédération, mais, surtout, accentuer le déséquilibre en défaveur des PME, moins armées juridiquement que les multinationales. Ensuite, parce que ce texte annonce le grand retour des accords de gamme dans les conditions générales de vente, rendant l’accès plus difficile aux linéaires pour les PME. La loi pencherait-elle toujours du côté des plus forts?
C’est, en tout cas, le sentiment que partage un patron d’enseigne malmené par le législateur. Jean-Claude Bourrelier, le PDG de l’enseigne Bricorama, à qui l’on a refusé, pendant plus d’un an, l’ouverture de ses magasins franciliens le dimanche alors que ses concurrents, Castorama et Leroy Merlin, qui détiennent pas moins de 71% du marché du bricolage, y étaient, eux, autorisés. “Mon combat, c’est celui du moustique contre les éléphants”, répète le PDG. Car même s’il a temporairement obtenu une dérogation au 1er?janvier 2014, ce dernier annonce déjà n’avoir jamais retrouvé le chiffre d’affaires qu’il réalisait avant sa condamnation à fermer le dimanche. “La seule chose que je demande, c’est la justice?! Tous ouverts ou tous fermés, mais tous égaux”, clame Jean-Claude Bourrelier, ulcéré que l’on octroie encore des privilèges à ceux qui en disposent déjà.
Le phénomène n’est pas propre au secteur du bricolage. La grande distribution, à qui le gouvernement a donné les pleins pouvoirs depuis la LME, fait aujourd’hui la pluie et le beau temps sur le commerce des biens de consommation. Les sept seigneurs qui dominent le paysage de la distribution fixent les prix, arbitrent entre produits de marque et produits locaux – souvent issus de PME – en fonction de leur objectif de marge et alimentent une guerre des prix destructrice de valeur. Même si certains veulent s’en défendre. L’auto-désigné héraut des petites entreprises et de l’économie locale, Serge Papin, le PDG de Système U, plaide pour un taux de marge minimum sur le seuil de revente à perte. Même Michel-Edouard Leclerc, le champion du prix “le moins cher”, déclare ne plus faire de la course au bas prix son seul cheval de bataille. Paroles, paroles… Sans un cadre réglementaire imposé par l’État, en pratique, nul ne changera ses habitudes de négociation. Et ne freinera, encore moins, sa course à la rentabilité.
Un pas semble toutefois avoir été fait, par Sylvia Pinel, la ministre de l’Artisanat, du Commerce et du Tourisme. Le projet de loi “artisanat, commerce et très petites entreprises”, irait dans le sens des petits commerçants. En supprimant l’indice du coût à la construction (ICC) comme indice de référence pour la révision des loyers, il vise à alléger les charges des commerçants de centres-villes, dont les loyers ont grimpé de 8% en quatre ans. Il prévoit, également, de limiter à 10% la hausse annuelle des loyers pour les baux classiques. Malheureusement, la situation est plus complexe lorsqu’il s’agit d’enseignes implantées dans les centres commerciaux. Car il faudra certainement une nouvelle loi pour limiter le transfert des charges des foncières sur les commerçants locataires. Et faire de cette main tendue une véritable protection des plus faibles face aux plus puissants.