Le 26?mars, jour du lancement officiel de “Leclerc chez moi” – la nouvelle activité de e-commerce de E.Leclerc de livraisons de produits alimentaires à domicile ou en drive piétons sur Paris –, l’annonce tombe. Ce jour-là, donc, et ce n’est sûrement pas un hasard facétieux du calendrier, le groupe Casino dévoile un partenariat commercial entre son enseigne premium de centre-ville, Monoprix, et Amazon. C’est le premier acteur français de la grande distribution à nouer une alliance avec le géant américain du e-commerce. Un accord éminemment symbolique dans cette course “à la conquête de Paris”, selon les termes de MEL, qui devrait se concrétiser au cours du second semestre. Concrètement, les produits alimentaires de Monoprix seront proposés aux clients d’Amazon Prime Now à Paris et dans sa proche banlieue, via l’application et le site Internet du service, au travers d’une boutique virtuelle dédiée. Soit entre 5?000?et 10?000 références sélectionnées par l’enseigne de proximité: marques distributeur (Monoprix Gourmet, Monoprix Bio, Made in pas très loin…), des produits frais, des exclusivités…
Cela faisait longtemps qu’Amazon cherchait une porte d’entrée en France. Pour dupliquer le modèle initié aux États-Unis? L’été dernier, Amazon rachetait, en effet, la chaîne de magasins bio Whole Foods, pour 13,7?milliards de dollars. Puis récemment, le géant du e-commerce annonçait la livraison des produits Whole Foods dans son offre Prime. Des tests ont d’ailleurs été effectués dans six villes américaines avec un délai de livraison en deux heures. En Europe, Amazon a déjà conclu des accords commerciaux avec le Britannique Morrisons pour Amazon Fresh et l’Espagnol Dia. En France, des enseignes comme Bio C’Bon, Fauchon, Lavinia ou Truffaut sont déjà partenaires d’Amazon Prime Now à Paris. Au final, les lignes se croisent. Amazon pourrait-il franchir le pas de l’ouverture de magasins physiques à terme, des points de vente qui pourraient servir de vitrines et de mini-hub logistiques en centre-ville? Le géant américain a, en tout cas, les moyens de ses ambitions.
Dans ce contexte où toutes les enseignes se livrent concurrence sur le terrain de nouveaux formats de livraison et de consommation, la bataille de Paris s’annonce agressive et inscrite dans la durée. Une guerre de tranchée dont les ressorts se situent, aussi et surtout, sur la maîtrise de la logistique. Certes Monoprix, en s’associant avec Amazon, tente de ne pas perdre du terrain sur la partie e-commerce et omnicanal, notamment face aux avancées structurées d’E.Leclerc qui a réussi à mettre à niveau sa logistique. Mais en se liant à Amazon, il fait aussi entrer le géant du e-commerce dans la grande distribution française en facilitant ses ambitions: celles de devenir un prestataire logistique de référence sur la livraison du dernier kilomètre.
Enfin, même si l’on ne connaît pas les rouages du contrat commercial, l’on peut se demander si Monoprix pourra préserver son intégrité en devenant une quelconque place de marché au sein de la nébuleuse Amazon. Un sous-traitant facilement substituable, en quelque sorte, et qui pourra être mis en concurrence avec d’autres distributeurs. Une concurrence contrôlée par Amazon qui, de fait, conserve la maîtrise de la relation avec le client final, élément essentiel de la chaîne de valeur. Cette relation client, chaînon manquant, pour l’heure, du géant de Seattle, lui est désormais quasiment offerte sur un plateau: observer tranquillement, analyser, comprendre, apprendre et tirer profit de la leçon.