Après l’herbivore, le carnivore et l’omnivore, le temps serait au locavore. Un terme un brin barbare dédié à une nouvelle espèce probablement en voie d’expansion : ceux qui souhaitent consommer ce qui est produit près de chez eux (de local “proche de”, et du suffixe -vore, “qui mange”). Bien sûr, pris à la lettre, le concept fait sourire. Estampillé “bobo”, voire anti-mondialiste, il sert la caricature facile : l’agro-industrie se prête peu à la consommation locale ; l’effet massificateur de la grande distribution est moins polluant que la multiplication des circuits locaux.
S’arrêter là serait faire injure au consommateur. La tendance s’exprime, haut et fort. Au-delà de l’engagement développement durable, la proximité rassure et séduit les Français. Elle est gage de qualité maîtrisée, de goût retrouvé. Les acteurs de la grande distribution commencent à le comprendre. Si le marché reste émergent, les initiatives se multiplient.
Exemple : Danone qui, pour revaloriser sa filière et se reconnecter au consommateur final, lance “Au lait de nos éleveurs”. Ou encore Lesieur qui met en avant l’origine française de son huile Fleur de Colza, nom et photo du producteur à l’appui. Côté distributeurs, une longueur d’avance est naturellement prise par les indépendants. “Le local, c’est la racine de nos magasins”, nous dit-on chez Intermarché. Chez Leclerc, la Scapest vient de lancer l’opération “Mon voisin producteur”.
Nouvel argument marketing ?
Ou engagement crédible ?
Comment la grande distribution, qui s’est construite, ces dernières années, sur des méthodes de standardisation et de négociations groupées, pourrait-elle, aujourd’hui, réinvestir un modèle qu’elle a banni ? Comment pourrait-elle se réapproprier les circuits courts ? En conjuguant les paradoxes. Car, au-delà de la niche commerciale, pourrait émerger un véritable enjeu pour la grande distribution : recréer le lien avec un consommateur en manque de confiance après des années d’appauvrissement de la qualité et de déficit d’image dans les rayons frais.