Face à l’hégémonie d’un modèle agro-industriel globalisé et financiarisé, vous défendez un Système Alimentaire Territorialisé (SAT). De quoi s’agit-il? Jean-Louis Rastoin. Le concept de SAT repose sur la coordination de filières agroalimentaires durables et complémentaires dans un espace géographique de dimension régionale. Il se caractérise par une triple proximité, entre les différentes filières sur un territoire, entre l’agriculture et les industries alimentaires et entre les producteurs et les consommateurs. L’industrialisation de l’agriculture a engendré une spécialisation des productions pour des raisons économiques. Si l’on prend l’exemple de la France, depuis 1950, on est passé d’une agriculture plutôt diversifiée qui associait différentes cultures avec l’élevage, à une agriculture spécialisée. Cela a permis aux agriculteurs de réaliser des économies d’échelles et d’améliorer leurs revenus grâce, notamment, à l’intensification et à la mécanisation des exploitations. Au niveau européen, nous étions déficitaires au moment du lancement du marché commun agricole, au début des années 60, puis nous sommes devenus largement autosuffisants. L’autre avantage de ce système industrialisé est, bien sûr, la diminution du prix des aliments en monnaie constante et une certaine sûreté alimentaire.
À en croire les récentes opérations coup de poing menées par les producteurs – de porc notamment – contre les distributeurs, cette question du prix est loin d’être réglée. Est-ce le signe d’une faillite d’un certain modèle agro-industriel? On a poussé ce système trop loin et il est en train de déraper. En partie pour des raisons de concurrence internationale. La France n’a pas mené au même niveau que l’Allemagne son processus d’industrialisation de l’agriculture, si bien qu’aujourd’hui, elle se trouve dans une situation de sous-compétitivité. Mais ce que l’on peut toutefois prévoir et qui s’avérerait finalement une chance pour la France,