Sale temps pour l’industrie agroalimentaire. Huile de palme, viande de cheval, Bisphénol A… La première industrie de France traîne comme un boulet sa mauvaise réputation d’empoisonneuse et de faiseuse de petits (et grands) profits. À tel point que 66% des Français interrogés par Ipsos déclarent que le scandale déclenché par la viande de cheval n’est que “le reflet de pratiques courantes dans la filière agroalimentaire”. Psychose collective autour d’un plat de lasagnes. Dans ce climat de défiance généralisé, Benoît Hamon, le ministre de la Consommation, veut frapper vite et fort, annonçant, au journal Les Echos, des sanctions très sévères contre les fraudes, dans son futur projet de loi de Consommation: “il faut assainir le système et augmenter les peines”, déclare-t-il. Il n’en faut pas plus pour que Jean-René Buisson, le charismatique patron de l’Ania, y voit une nouvelle forme de stigmatisation. “Il n’est pas une semaine sans qu’un nouveau député ne décide de se spécialiser dans l’agroalimentaire et rédige sa proposition d’amendement”, ironisait-il lors de la conférence de presse économique annuelle du secteur.
Derrière cet écran de fumée, c’est un signal d’alerte que lancent que les industriels aux pouvoirs publics. Avec un chiffre d’affaires en baisse de 2,3% en 2012, à 160 Mds€, 3?900 emplois de moins et une chute des marges brutes de 14,3 points à 22,4%, leur plus bas niveau historique: les entreprises agroalimentaires vont mal. Même les plus grandes souffrent sur le marché français. Danone et Candia prévoient de licencier en 2013. Quant aux PME, c’est la catastrophe: mêmes règles fiscales, mêmes contraintes législatives mais avec moins de trésorerie. Il est urgent d’agir pour rétablir l’équité. Entre petits et grands mais surtout entre distributeurs et industriels dont les relations ne cessent de se tendre, de négociations en négociations. Jusqu’au fossé. D’un côté, les pourfendeurs de la déflation, de l’autre les défenseurs du pouvoir d’achat. Impossible à réconcilier?
Tous courent, pourtant, après leur marge. Combat perdu d’avance dans une France officiellement déclarée, par le FMI, en récession. Une consommation en chute libre (-0,8% au 4e trimestre 2012) et un moral des ménages qui se dégrade à mesure que le chômage progresse et que leur niveau de vie stagne. Face à ce constat, le pouvoir d’achat reste, plus que jamais, le cheval de bataille de la grande distribution. “En temps de crise, il n’est plus possible de dire que le sujet du prix n’en est pas un”, résume Jacques Creyssel, le président de la FCD. Oui mais quel prix? Celui qui met à terre les producteurs de lait, écrasés par la hausse du prix des céréales? Celui qui détruit des emplois dans les filières et conduit tout droit aux scandales sanitaires? Triste dilemme que celui de l’absence de croissance. Entre hantise de l’inflation et spirale déflationniste, il faut aujourd’hui choisir.
Qui de la peste ou du choléra, les industriels ont tranché: il faut modifier la LME pour changer les mentalités et encadrer les pratiques. Un parti-pris qui laisse sceptiques spécialistes et, parfois même, professionnels du secteur. À trop légiférer on enraye la dynamique commerciale et l’on brise des liens qui se tissent et se bâtissent, au fil du temps, entre acheteurs et vendeurs.
Au risque de perdre une confiance si difficile à restaurer. Le gouvernement en fait actuellement les frais. Plus occupé à déshabiller ses ministres, dans un exercice de transparence à tout prix, qu’à rassurer les entrepreneurs. Insolite déballage qui fait diversion. Mais pas pour longtemps. Car sur fond de désindustrialisation rampante – 17% des ETI envisagent de réduire leurs effectifs d’ici deux ans alors que leur poids, avec celui des PME, ne représente plus que 16% en France -, le fameux choc de compétitivité n’a jamais été tant espéré.