Pourquoi avez-vous décidé de consacrer votre thèse de sociologie au secteur de la grande distribution?Pour trois raisons. D’abord, parce que la grande distribution est un secteur incontournable de l’économie française, et plus généralement des pays occidentaux, qui emploie une main-d’œuvre très importante. Le groupe que j’ai intégré – appelons-le Batax – représente plus de 100?000 emplois en France. Du point de vue des consommateurs, ensuite, qui font leurs courses quotidiennement, le sujet est inévitable. C’est un fait: quatre groupes de distribution français concentrent, à eux seuls, l’immense majorité des denrées produites par 70?000 entreprises agroalimentaires et 400?000 agriculteurs qui sont, ensuite, consommées par 60millions de personnes. Ce qui crée un véritable goulot d’étranglement?! La dernière raison de ce choix, c’est que la grande distribution est emblématique du passage d’une économie secondaire, qui a connu son apogée dans les années 70-80, très dominées par le secteur industriel, à une économie où le secteur tertiaire est désormais surreprésenté.
Au cours de cette immersion, vous avez occupé le poste de caissière durant plusieurs mois. Quelle expérience en retirez-vous?S’il y a une dimension du travail de caissière qui m’a le plus marquée, c’est que c’est un métier dans lequel les salariés n’ont pas la possibilité de s’approprier ni leur temps ni leur espace de travail. Ils sont placés par la hiérarchie devant leur machine et doivent changer de caisses plusieurs fois par jour, ce qui empêche toute forme d’habitude sur le lieu de travail. La gestion du temps se révèle, elle aussi, très difficile. La pause de trois minutes par heure travaillée est imposée et chaque geste de travail doit s’adapter aux clients qui arrivent en caisse. On