L’histoire de l’entreprise commence en 1930 sur les métiers de la charcuterie? Christian Guyader. Oui. Avec mon grand-père, Yves, sixième d’une famille de paysans de 7 enfants. Une famille qui a eu l’intelligence de ne pas diviser la ferme. L’activité de charcutier est née de là. Au pied de la ferme, à Landrévarzec, dans le Finistère, village dans lequel est toujours implanté le siège social de l’entreprise. Après la guerre, la charcuterie s’est développée avec les Bretons de Paris. La capitale avait faim. En quelque sorte, les représentants parisiens sont venus voir “les ploucs” de la campagne en leur disant: “Tu sais fabriquer les produits, nous, on saura les vendre?!” C’est comme ça que nous avons commencé. D’ailleurs un peu comme toutes les entreprises agroalimentaires bretonnes. Évidemment, à cette époque, la grande distribution n’existait pas. Notre clientèle était constituée de bouchers charcutiers, de restaurants, de marchés. Puis mon père, Jean, rejoint mon grand-père. Malheureusement, une série d’événements douloureux vient perturber l’élan. Mon grand-père décède accidentellement en 1970. Mon père reprend l’entreprise et disparaît, lui aussi, trois ans plus tard. L’entreprise est décapitée. C’est ma mère, Denise, vendeuse en charcuterie, qui se retrouve PDG. Elle prend l’entreprise à bras-le-corps. Et non seulement elle réussit à la maintenir, mais aussi à la développer. C’est l’époque que je baptise “La charcuterie au féminin”. Parce qu’elle est arrivée avec un regard de femme dans un métier “ de brutes”. Je me souviens, par exemple, qu’elle avait créé une plaquette publicitaire illustrée avec des légumes. Pour un charcutier, c’était, à première vue, indigeste. On lui a dit: “Tu es folle, ça ne marchera pas; tu vends de la charcuterie, pas des légumes?!” Et ça a marché. Parce que pour faire de la charcuterie, il faut, entre autres, des légumes. Ça avait du sens.
Une passion transmise par votre famille?De mon grand-père, j’ai appris le bon. C’était un homme attaché aux produits. On adorait manger. Notre façon de nous faire plaisir, ce n’était pas de partir en vacances, mais d’aller dans un bon restaurant le dimanche. J’ai été élevé dans cette culture de la bonne bouffe. Ma madeleine, ce sont les odeurs de morceaux de joue de bœuf ou de porc qui cuisent toute la nuit dans la marmite. Et quand on passe par là, on pique un petit bout de délice au passage, parce que c’est forcément là que c’est le meilleur, parce que c’est encore mieux si on l’a volé. J’ai aussi en mémoire cette odeur de truffes. On les achetait fraîches. Elles arrivaient en caisses entières directement des marchés du Sud-Ouest. Mais là, seul mon grand-père avait le droit d’y toucher. À l’époque, on faisait des galantines avec de la truffe entière. C’est une vraie chance d’avoir connu ça.Avec ma mère, j’ai appris le beau. Elle était attachée à la décoration des produits, il fallait avoir les plus belles terrines du marché à Noël, les plus beaux emballages. Nous allions, par exemple, au Portugal, acheter des cassolettes en cuivre pour y mettre nos pâtés. J’ai plutôt des souvenirs épiques de cette époque. C’est un