Ça y est, c’est officiel. Un mois après les prévisions de l’oracle FMI, l’Insee confirme que la France est bien entrée en récession, accusant une baisse de 0,2% de son PIB, au premier trimestre 2013. Une chute qui en entraîne une autre: la production nationale est au point mort, l’industrie agroalimentaire affiche un repli de 1,1%. Quant à la consommation, elle demeure, logiquement, atone tandis que les prix de l’alimentaire continuent de grimper, à +1,7% sur un an. Triste panorama dans lequel marques et enseignes doivent, plus que jamais, faire la différence pour exister. Pas facile quand les consommateurs réduisent la voilure à l’essentiel.
Le bio est l’un des dommages collatéraux de la crise. Stoppé net dans sa fulgurante ascension – +5% de dépenses en 2012 contre +10% en 2011 – le segment ne représente que 2,4% de l’ensemble de la consommation alimentaire française. Principal motif de ce désamour? Le prix. Pourtant, chez les vendeurs de produits bio, la tentation du discount n’est pas loin. Leader Price, Dia, Auchan ont tenté l’expérience. Mais le bio bradé laisse, pour l’heure, encore sceptique. Quid des rémunérations des producteurs? Des conditions de production? D’autant que la promesse du bio ne se révèle pas toujours à la hauteur des attentes. Et, déjà, les consommateurs se laissent séduire par les sirènes du local, moins cher, plus accessible. S’inscrivant dans une logique de territoire.
Un sillon dans lequel les enseignes s’engouffrent. Symbole rêvé d’une authenticité nationale, la petite musique du Made in France se fait entendre, de plus en plus, dans les rayons des hypermarchés. Certains plus que d’autres, à l’image des centres E.Leclerc, qui en font un nouvel argument de vente. C’est ainsi que, le temps d’une opération “La France a du talent”, Michel-Edouard Leclerc et le député Yves Jégo ont vanté les mérites du savoir-faire francilien. Exit, la mondialisation: vive la relocalisation?! Soit. Mais après? Quand le pouvoir d’achat stagne, que le chômage explose les compteurs, Made in France ou pas, les consommateurs ont-ils le choix? Celui de moins manger ou de manger plus mal. Une pilule qui passe mal, dans une époque lardée de scandales alimentaires.
Pessimistes oui, mais pas naïfs. Méfiants face aux coups de bluff et aux grandes opérations de communications. Face à ce réalisme de crise des consommateurs, enseignes et industriels doivent montrer patte blanche. Témoigner de leur bonne foi. Car, aujourd’hui, le Made in France, concept flou et assaisonné à toutes les sauces, du marketing à la politique, ne suffit plus. Surtout lorsqu’il arrive, tel un cheveu sur la soupe, après trente ans de désindustrialisation. Un peu facile. Mais surtout trop tard. Sans volonté politique forte derrière, les efforts des distributeurs et des industriels s’arrêteront là où les sites de production ont fermé. Doux vient justement de perdre son abattoir, après la liquidation de son pôle frais.
Il est peut-être temps d’accorder les violons entre réalité économique et volonté politique. Et de la jouer collectif plutôt que profil bas. Pour Denis Gancel, président de l’agence de communication W&Cie, le salut français réside dans la création d’une marque France: “un système de marquage qui permet à tous les acteurs économiques actifs de se reconnaître comme étant partie prenante de la même équipe”. Une marque dont chaque Français deviendrait l’ambassadeur. Véritable opportunité de croissance ou utopie douce-amère? Une chose est sûre: toutes les pistes sont bonnes à explorer lorsqu’il s’agit de briser la spirale de la crise.
Directeur de la publication : Francis Luzin