Au royaume du non-alimentaire, le marasme est roi. Rentabilité en berne, attractivité déclinante : les rayons électroménager, High-Tech, textile ou, encore, jouets sont les boulets des hypermarchés. En mai dernier, l’ensemble du secteur a reculé de 8%, selon SymphonyIri. Triste sort pour un rayon qui, fut, dans les années 80, l’espoir et la pépite d’or des distributeurs… Jusqu’à l’arrivée fracassante des spécialistes sur le marché. Trente ans plus tard, la donne a changé et l’âge d’or du non-alimentaire est bel et bien révolu. A tel point que certains préfèrent s’en passer : depuis 2009, Casino a purement et simplement supprimé ce rayon maudit de certains de ces hyper, préférant se concentrer sur une valeur sûre : l’alimentaire. Pour d’autres, comme Système U, le non-alimentaire n’est plus sujet. Il est déjà mort.
Tous sont désormais logés à la même enseigne. GSS comme GSA. L’emblématique Virgin Megastore ferme définitivement ses portes, Darty restructure, les enseignes de textile souffrent, plus que jamais. De mars 2012 à mars 2013, les ventes d’habillement ont chuté de 10,8 % pour les grands magasins et jusqu’à – 25 % pour les magasins populaires. Victime de la concurrence d’Internet et de la crise, le secteur en vaut-il encore la chandelle ? A en croire les chiffres de la consommation, la réponse semble toute faite. Le pouvoir d’achat a reculé de 0,1% au premier trimestre 2013 et de 0,9% en 2012 : un record depuis 30 ans. La crise du non-alimentaire n’est que le reflet de celle qui frappe, d’une façon plus globale, le commerce et la consommation. Et sa déchéance, celui du moral des Français, qui vient encore de perdre 4 points, en mai, selon l’Insee.
Quels sont les leviers du rêve et de l’envie ? C’est bien là toute la question, sans réponse, des distributeurs. Le premium ? Certes, en période de crise, les riches, même s’ils sont moins riches, resteront toujours plus riches que les pauvres, de plus en plus pauvres. Une option porteuse de marge mais réservée à une poignée d’enseignes perméables aux codes du luxe. Le low-cost, alors ? Le ralentissement du hard-discount et les marges dégradées des hypermarchés, par des années de promotions sauvages, révèlent les limites du bas prix à tout prix. Surtout quand l’objectif est de recréer de la valeur. Et d’en tirer de la croissance. Même les contrées virtuelles, jusque-là eldorado rêvé des distributeurs, se sont perdues dans une guerre des prix acharnée. Alors que Pixmania se meurt, la valeur du panier d’achat moyen sur Internet a atteint un niveau historiquement bas, à 85€. En baisse de 8% depuis deux ans.
“Il faut sortir de la logique du discount”, affirme Pascal Madry, directeur de Procos. Soit, mais pour aller où ? Le remède aux maux des distributeurs français se trouve peut-être aux Etats-Unis. Les inventeurs du modèle “marché de gros” façon Costco ont découvert une nouvelle tendance : “le good enough”, le “pas mal”, en français. Ni cheap, ni premium. Juste entre les deux. Ce qu’il faut pour être utile, pratique, consommable et à un prix correct. Un appel à la mesure ? D’abord appliqué aux appareils technologiques – vidéo, son, hi-fi, MP3 -, le good enough s’est généralisé comme un art de vivre anti-crise.
Le mouvement français de l’éco-frugalité semble y faire écho. Et sonne comme le rejet d’un modèle de distribution toujours plus expansif, dont l’hypermarché fut le symbole et Planet l’ange déchu, au profit d’une nouvelle forme de consommation. Plus raisonnée, moins excessive. Avoir ou pas, tout est une question d’équilibre.
Directeur de la publication : Francis Luzin