En face, il y a les Gafa (Google, Amazon, Facebook et Apple auxquels il faut ajouter Microsoft). Ces géants de l’économie numérique qui affichent des résultats financiers records en 2017 et une réussite insolente. Cumulées, leurs capitalisations boursières dépassent les 3?500?milliards de dollars. Selon le cabinet S&P Capital, c’est la première fois qu’une industrie domine les marchés financiers de cette façon depuis plusieurs dizaines d’années. Flexibles, agiles, ultra innovants, très en avance technologiquement, avec des gammes étendues et des services centrés sur le client, les Gafa imposent de nouveaux standards de marché aux retailers conventionnels, notamment par un abaissement constant de leurs coûts de préparation et de livraison de leurs produits. Avec, en première ligne, Amazon et ses revenus, dopés par le succès d’Alexa, qui ont bondi de 38% à 60,5?milliards de dollars au quatrième trimestre 2017, ouvrant ainsi la voie au commerce vocal, un nouveau canal de vente. Rien ne semble pouvoir stopper l’appétit multiforme de la plateforme de e-commerce qui cherche des voies d’entrée plus agressives en Europe. Récemment, MEL a confirmé avoir été approché par Amazon. À l’époque, le patron d’E.Leclerc avait ajouté que “Amazon pourrait devenir notre logisticien”. Système U semble, lui aussi, avoir été contacté.
La réplique n’a pas tardé. MEL a annoncé sur BFMTV son intention de “relever le défi Amazon à Paris, sur la zone la plus chère de France, avec des prix inférieurs de 15% à 20% par rapport à ses concurrents”. Avec “Leclerc chez moi”, MEL crée une nouvelle enseigne de proximité en offrant le choix aux clients de se faire livrer à domicile ou de récupérer leurs courses dans des dépôts relais ou des drive piétons, réseau que le distributeur entend développer. Le service doit démarrer au printemps sur quelques arrondissements et être étendu à l’ensemble de la capitale progressivement. Tous les produits alimentaires, y compris frais, sont concernés. Et MEL d’ajouter, sur BFMTV: “Amazon a la logistique, mais n’a pas cet historique client. Nous, nous avons ce rapport de confiance. Et donc, ce qu’il nous faut, c’est maîtriser la logistique.”
De fait, les distributeurs semblent avoir pris conscience de ces enjeux logistiques: l’optimisation des coûts de la supply chain – toujours plus complexe – se retrouve, désormais, au cœur des stratégies industrielles et commerciales. Reste que, pour garantir cette agilité nécessaire, il faut passer d’une logique “push” (flux tirés par la production) à une démarche “pull” où c’est bien la demande du client final qui tire les produits à travers la chaîne logistique. En optant pour ce que l’on appelle la “demand chain”, l’entreprise reconnecte, ainsi, l’achat/vente avec les processus logistiques, autrement dit, la consommation et la production. Une évolution désormais accessible avec l’avènement de nouvelles technologies comme l’analyse prédictive, le machine learning ou l’intelligence artificielle. Avec, en point de mire, l’amélioration de la satisfaction du client et la réduction des stocks.
Évidemment, dans cette phase de transition du “push” au “pull”, les distributeurs devront engager des mutations organisationnelles: repenser les processus classiques de production, de vente et de distribution tout comme leur conception du pilotage des flux. Il faudra, aussi, pour atteindre cette agilité nécessaire, que l’ensemble des données qui permettent de quantifier la demande ne remontent plus la supply chain, mais circulent librement afin d’être partagées, en temps réel, en interne, comme au sein du réseau de partenaires de l’entreprise. L’ère collaborative de la supply chain 4.0 est en marche.