C’est l’histoire d’un pack de lait. Il y a un an, la marque “C’est qui le Patron?” débarquait en magasin avec ses grandes idées et un message clair: redonner aux Français le pouvoir de définir le prix, la qualité, les conditions de production d’un de leurs produits essentiels: le lait. Quelques mois ont suffi pour que l’initiative se transforme en véritable buzz médiatique. Radios et télévisions ne cessent de raconter la belle histoire de La marque du consommateur, inventée par le charismatique Nicolas Chavanne (ex-fondateur du collectif Les Gueules Cassées). Joli storytelling, hyperactivité sur les réseaux sociaux, une opération de communication savamment montée et qui porte des fondamentaux chers aux consommateurs: la transparence et l’éthique.
Coup de com’ ou vraie tendance? On serait bien tenté de croire qu’une mise en scène d’une telle ampleur vise à masquer la fragilité d’une démarche émergente et encore marginale à l’échelle de l’industrie agroalimentaire. La pérennité de l’action nous laisse cependant penser qu’elle est, peu à peu, en train de s’ancrer dans nos rayons. Et pour cause, le lait a fait des petits: un jus de fruit, de la pizza, bientôt de la viande: dans tous les segments, sur tous les produits, peut-être, un jour, les consommateurs auront le choix de fixer le prix qui leur semble être le plus juste, pour eux et en accord avec leurs propres convictions, mais aussi pour les producteurs, les agriculteurs: la fameuse filière amont dont on parle toujours par temps de crise des matières premières
et de négociations commerciales.
“La marque a réussi grâce à son marketing éthique très fort”, résume Marc Jacouton, fondateur de RSE Développement. De fait, les consommateurs sont prêts à payer plus cher pour un produit qui leur ressemble. Un constat qui va à l’encontre de tous les discours sur les prix bas, la préservation du pouvoir d’achat, l’incontournable compétitivité prix. Mais le constat est là: l’alimentaire joue un rôle trop central, trop crucial dans nos vies pour le reléguer à une simple histoire d’euros. Il véhicule un imaginaire, des valeurs, une tradition culinaire, des souvenirs qui forgent et forment l’identité d’une population. Ce que La marque du Consommateur a réussi à faire mieux que toutes les conventions tripartites, c’est fédérer une communauté. Ici, on ne parle pas de marges mais de rémunérations, on troque les CGV contre la réactivité, avec un objectif: réduire le temps de lancement des produits, simplifier et raccourcir les circuits de distribution.
Car c’est bien là tout l’enjeu de ce projet: faire enfin bouger les lignes de la relation distributeurs-producteurs. Dans une société marquée au fer rouge par les scandales alimentaires – la bataille autour du glyphosate en est encore l’exemple – où le monde rural est en butte à un environnement économique de plus en plus libéral et citadin, il était temps de trouver une troisième voie qui n’emprunte pas nécessairement la force et la colère. Exit les barrages, les hypermarchés saccagés, les œufs jetés sur la chaussée. La Marque du Consommateur cultive un rêve: faire asseoir tous les acteurs économiques autour d’un pack de lait et trouver l’équation viable et cohérente pour tous. Douce utopie? Laissons au collectif le temps de confirmer l’essai et de prouver que d’une belle idée, on peut faire, aussi, un choix de société.