On.
Allez, une petite vision manichéenne, de celle qui rassure quand on tranche à vif entre le mal et le bien, quand les choses sont ordonnées, bien à leur place, rien qui dépasse. Digitalisez-vous?! Révolutionnez-vous?! Accomplissez votre transformation digitale?! Mettez du numérique et de l’intelligence dans vos points de vente. Sinon… Ah, sinon… on agite le spectre des pro du online, on attise les peurs, on oppose deux univers. Ainsi, il y aurait deux visions du monde: le online et le offline, le virtuel et le réel, l’abstrait et le concret, etc. D’un côté un e-commerce à l’image moderne paré de jolis atours technologiques et, de l’autre, un commerce physique arc-bouté sur ses vieux modèles, passéistes et poussiéreux. D’un côté, des acteurs du numérique prêts à fondre sur la cassette, de l’autre des monomaniaques du magasin, parce que ça produit, parce que c’est tangible, palpable, matériel. Un peu provocateur comme vision dualiste? Clairement oui, même si…
Off.
Les habitudes ont la vie dure. Les schémas organisationnels – et de pensée – restent encore silotés, séparés, imprégnés d’une culture parfois figée. Certes, du chemin a été parcouru: de circuits physiques et web complètement étanches, on est passé à la multicanalité, au cross canal, à l’omnicanalité, au “responsive retail”… Avec, aujourd’hui, des frontières de plus en plus poreuses entre les deux circuits. D’où le credo porté par Paris Retail Week qui réunit, sous une seule bannière, deux salons: E-Commerce Paris, manifestation historique autour de solutions de commerce online, et la première édition de Digital(in)Store by Equipmag dédié à la digitalisation du magasin. Une sorte de “pont entre le online et le offline pour une vision du commerce à 360°”, comme le souligne Sophie Lubet, directeur du Pôle Retail Comexposium, organisateur de l’événement. Un pont nécessaire pour joindre les deux univers.
Dualité dépassée…?
Il semble que cette dualité ait surtout été “vécue par les distributeurs, comme le souligne Philippe Moati, co-président de l’ObSoCo, l’Observatoire Société et Consommation. Il s’agit d’un problème de représentation mentale de la part des acteurs du commerce, tous très marqués par leur modèle d’origine: le magasin pour le circuit physique, le site Internet pour le circuit virtuel”. Parce que du côté des consommateurs, l’affaire est classée depuis longtemps. Ce distinguo entre e-commerce et points de vente n’est pas naturel, surtout du côté des jeunes générations, des “digital natives”. D’ailleurs, ils ne comprennent même pas le sens du mot e-commerce. Pour eux, pas d’approche duale, mais l’attente d’un parcours d’achat fluide et sans coutures. Avec, dans leur poche, une commande universelle – le smartphone –, des applications intelligentes et une technologie agile qui augmentent le champ des possibles de leur parcours d’achat. Le consommateur devient acteur. De quoi changer profondément la relation marchande avec, demain, des pouvoirs plus équilibrés. Et surtout, la nécessité de comprendre les attentes profondes de ces “nouveaux consommateurs”… et de tenter d’y répondre.
Le virtuel n’existe pas car il n’est pas séparé du réel.
En se jouant des frontières entre commerce on et offline, les jeunes générations bousculent nos schémas de pensée, notre perception aux choses. Du côté de la neurophysiologie, les interrogations sont nombreuses face à cette interpénétration des mondes “virtuels et réels”, de l’individu et de son avatar, des nouvelles technologies de réalité/virtualité augmentées, ces Cave (automatic virtual environment), ces casques de réalité virtuelle de type Oculus Rift qui, demain, seront largement utilisés par les industriels et les distributeurs. Ici pour présenter un produit en image holographique. Là pour travailler de façon collaborative, en immersion virtuelle, sur un projet de présentation de produits, d’agencement de magasin. Ce n’est pas de la science-fiction. Les technologies existent et deviennent abordables. Elles seront, demain, au service d’une expérience client renouvelée où l’on fabrique des illusions, on crée des avatars, on joue sur la dimension émotionnelle et sensorielle pour désactiver la réalité économique. En touchant les zones les plus intimes de notre cerveau, ces nouvelles technologies vont permettre de construire une relation entre la marque et le client beaucoup plus forte, en tout cas qui laissera une empreinte plus durable. Digital rigide? Définitivement off.