Ne serions-nous plus les maîtres de nos vies? Longtemps fabulé, scénarisé, critiqué, écrit et farouchement fantasmé, on dirait que Big Brother est finalement devenu réalité.
L’annonce du magazine allemand Der Spiegel concernant le réseau d’espionnage tissé par les États-Unis pour surveiller l’Union européenne, ses États membres et les institutions fait froid dans le dos. Une sorte de scandale du Watergate à l’échelle mondiale, car en plus de quelques micros glissés sous les tables par des espions, les agents de la NSA (National Security Agency) ont réussi à infiltrer le réseau informatique accédant, ainsi, aux courriers électroniques et aux documents internes. Secret sans défense, le numérique s’exempte de sécurité. Ou, en tout cas, plus rien n’est infaillible. Tout est possible.
La fascination de l’homme pour les technologies, cette passion si dévorante propre au XXIe?siècle, accélère le processus d’innovation. La révolution numérique est en marche. Les lunettes à la réalité augmentée sont déjà prêtes. Google les a baptisées Project Glasses, alors qu’Intermarché teste déjà la paire prototype de l’agence Digitas. Les imprimantes 3D sont aussi un sujet de réflexion, notamment pour la Nasa, pour cuisiner des pizzas à ses astronautes dans les fusées. Des usages par monts et par vaux. Oui, mais derrière ces technologies de pointe, il y a des humains. Alors entrons-nous dans une ère d’humanité connectée?
À en croire le nombre d’inscrits sur les réseaux sociaux: Facebook (1,11?milliard d’utilisateurs actifs dans le monde dont 26millions en France selon Nielsen), Twitter (200millions) et Instagram (130millions), l’homme ne peut pas vivre sans communiquer. Et ce, depuis la naissance, c’est un fait. Mais l’ascension des technologies, du téléphone au minitel puis du tam-tam au smartphone, a rendu cette communication viscérale, compulsive et endémique. Que ce soit avec nos proches ou dans le milieu professionnel, chacun se doit aujourd’hui d’appartenir à une communauté, de pouvoir interagir du bout du doigt. E-mail, SMS, newsletters font partie du langage courant entre une entreprise, une marque et ses clients. La multiplication des supports transforme les relations sociales et le sens du dialogue. En France, la multicanalité entre petit à petit dans les stratégies marketing. Enfin, rien de faramineux … pour le moment. “Nous sommes un peuple de sceptiques. On attend souvent d’être au pied du mur pour voir comment on va le monter. Mais on va y aller”, commente Laurent Houitte, directeur marketing chez Wincor Nixdorf.
Sceptique, il y a de quoi?! La Cnil (Commission nationale de l’informatique et des libertés) est la première à avoir tiré la sonnette d’alarme auprès des développeurs de systèmes d’exploitation concernant la protection de la vie privée sur mobiles. Ami ou ennemi? En partenariat avec le laboratoire Inria, 6 membres de la Cnil ont été équipés d’iPhone pendant trois mois alors que le groupe de travail surveillait les données ouvertes aux applications. Et sur les 189 téléchargées, 46% accèdent à l’identifiant du téléphone, 31% à la géolocalisation et 16% au nom de l’appareil. Tracés, les utilisateurs ne sont, aujourd’hui, plus les seuls inquiétés.
À l’heure où la dématérialisation BtoB et BtoC bat la chamade, les technologies vont plus vite que les hommes. Le comprendre, c’est accepter qu’un changement de modèle s’impose. C’est aussi redéfinir le rapport à l’autre, et intégrer les outils numériques aux usages, sans être intrusifs et en respectant les données privées. Car, sans les hommes, les technologies seraient bel et bien obsolètes.
Directeur de la publication : Francis Luzin