On a dit que les magasins étaient morts, emportés par la vague digitale qui s’est abattue sur le marché de la distribution depuis des années. On a dit que le commerce ne se ferait plus qu’en ligne, depuis son canapé et même juste avec un doigt posé sur son smartphone. On a dit que demain, le retail serait numérique ou ne serait pas. Eh bien l’on s’est trompé. À peine installées, les technologies IT interrogent, sèment le doute, inquiètent. Et si tous ces investissements dans des équipements intelligents et connectés, ces nouvelles solutions qui ne cessent d’être innovantes et tout ce digital nous avaient éloignés de l’essentiel? Au sens figuré, le mot commerce désigne les relations qu’établissent les hommes entre eux. Si l’acception n’est plus guère usitée en dehors de la littérature du XIXe, elle n’en fait pas moins oublier que c’est l’humain qui donne vie au négoce.
Il est donc légitime de se poser la question: “L’omnicanal est-il un leurre?” Lors du dernier Carmiday, événement annuel organisée par Carmila, le gestionnaire des centres commerciaux du groupe Carrefour, l’invité d’honneur, Cyril Grira, directeur retail et omnicanal chez Google, affirmait ceci: “il y aura d’abord le multicanal, ensuite l’omnicanal”. Si omniscience digitale il doit y avoir, cela passera nécessairement par une optimisation de l’ensemble des canaux, physique compris. Griller les étapes ou foncer tête baissée dans l’hyper digitalisation, sans réfléchir à la cannibalisation du web sur les points de vente, peut s’avérer fatal. À trop miser sur le e-commerce, on perd en croissance et rentabilité. La transformation digitale oblige à revenir aux fondamentaux: le désir du client. Or, le client ne pense pas en canaux mais en points de contact.
Le site marchand, le magasin, l’application mobile sont autant de voies de dialogue entre le retailer et le consommateur. Et s’il est une chose que ce dernier veut entendre, c’est qu’il sera assuré d’obtenir le produit qu’il recherche quand il veut, où il veut et de la façon qu’il veut. Plus qu’une solution miracle, l’omnicanal n’est qu’une expression du fameux YOLO (you only live once), “on ne vit qu’une fois”. Cette philosophie de la consommation à laquelle les jeunes générations aspirent tant place l’expérience en magasin au cœur de l’acte d’achat. Plus que jamais, la surface de vente devient le terrain de l’émotion et de la sensation. “Dans un parcours omnicanal, le magasin est une boîte à souvenirs”, résume Régine Vanheems, cofondatrice de l’Observatoire du Commerce Connecté. Une jolie image pour traduire une réalité très commerçante: c’est du lieu physique dont se souviendra le client.
Il n’est pas étonnant, alors, que les enseignes les plus avancées sur le digital travaillent de plus belle sur leur concept magasin. Sur un marché du jouet attaqué par Amazon et qui a vu tomber l’emblématique enseigne américaine Toys’R Us, les acteurs ont compris la leçon. Joué Club a transformé ses points de vente en espaces ludiques et récréatifs. Les vendeurs sont animateurs, conseillers, acteurs de la relation client. Ils ne se contentent plus d’encaisser. Et pas question de céder à la tentation des showrooms connectés. On n’imagine pas un enfant ressortir les mains vides d’une confiserie. Pas plus qu’un magasin qui ne saurait offrir davantage de rêve et de sens qu’un site Internet. Le digital n’a de sens que s’il trouve une incarnation physique: le phygital est bien l’avenir de l’omnicanal.