Entre scepticisme et enthousiasme, rêve et réalité, attente et frustration, craintes et espoirs… La transformation numérique des entreprises est au cœur des réflexions et des stratégies pour préparer l’avenir. IoT (Internet des objets), IA (intelligence artificielle), BD (big data), robotisation, blockchain, machine learning… Ces nouvelles technologies vont-elles tenir leurs promesses et impacter durablement la société et les organisations? Ou se cantonneront-elles à des effets d’annonce?
Les chiffres dessinent déjà une première vision de l’avenir. Ainsi, le cabinet Roland Berger s’attend à une croissance très significative du nombre d’IoT, de l’ordre de 83% entre2015 et2022. Et à une progression de l’IA de 63%, en moyenne, par an, entre2016 et2022 avec, à la clé, des possibilités reproduisant de plus en plus les fonctionnalités du cerveau humain, cognitives et motrices. De fait, le volume des données va littéralement exploser, alimentant amplement le big data chargé, dans un nouvel ordre de grandeur, de capturer, rechercher, stocker, partager et analyser les data pour servir aux mieux la connaissance du client et les potentialités de chiffre d’affaires additionnel.
Pour l’heure, la maturité numérique de la France semble osciller entre forces et retards. Mais ce que l’on appelle la troisième vague de la transformation digitale, marquée par l’expansion de trois nouvelles technologies – IoT, IA, BD –, semble porteuse de toute une série d’usages extrêmement importante et diversifiée. Dans ce contexte, les secteurs des biens de consommation, du retail et du marketing sont relativement en avance, juste derrière l’univers de la finance de marché. Les enjeux sont donc bien compris par les différents acteurs. Reste à les mettre en œuvre dans des organisations encore souvent rigides.
Les bénéfices de ces trois technologies, auxquelles on peut ajouter la robotisation, peuvent donc se traduire sur les quatre briques de la chaîne de valeur des distributeurs: la gestion des marchandises (inventaires, stocks…), l’excellence de l’expérience client (robots, cabines d’essayage intelligentes…), la simplification des process en magasin (fluidification du passage en caisse…) et la compréhension et l’exploitation du parcours du consommateur (cartographie thermique…).
Mais les promesses de ces technologies devront s’affranchir de deux limites. Elles restent encore onéreuses, surtout celles qui, potentiellement, permettraient les avancées les plus significatives. Le déploiement à grande échelle sur l’ensemble du réseau des distributeurs n’est que peu envisageable pour l’instant. Et puis, il faudra compter sur l’acceptation sociale. Et là, les consommateurs n’ont pas encore rendu leur arbitrage. Que penser des données sur la vie privée, de plus en plus nombreuses, qui seront capturées, échangées et utilisées? Ou des robots, aux formes androïdes, capables de reconnaître les émotions sur les visages? La tendance de l’être humain à projeter ses émotions, ses pensées, ses sentiments sur les machines autonomes devrait atteindre un niveau encore jamais atteint. Lorsque ces robots matérialiseront la présence de l’IA dans notre quotidien, quel regard porterons-nous sur eux? Les verrons-nous comme des esclaves, des compagnons, des rivaux, des modèles? Pour Serge Tisseron, psychiatre, docteur en psychologie et membre de l’Académie des technologies, “de ce regard dépendra non seulement la relation que nous aurons avec eux, mais aussi avec nos semblables”. Dans une illusion de réciprocité et de confusion des sentiments.