C’est la rentrée. Pendant que 12millions de petits Français reprennent le chemin de l’école, les dossiers s’empilent sur le bureau des ministres de l’Agriculture, du Commerce et de la Consommation. La crise porcine, d’abord, qui a marqué cet été 2015, a braqué les projecteurs sur les failles d’un modèle agro-industriel à bout de souffle. Trop de volumes et des prix toujours plus serrés, dans une course à la compétitivité effrénée mais jamais gagnée. Et pour cause: face aux méga-structures agricoles allemandes ou à la productivité brésilienne, la France a perdu d’avance. Et si les éleveurs de porcs ont su mobiliser l’attention du public et des médias par leurs opérations coups de poings, les producteurs de volailles et de lait ne sont pas loin derrière, dans la même situation.
Gageons alors que cette nouvelle année scolaire verra naître des accords et des alliances qui pérenniseront la filière. Pas gagné, quand on voit qu’en face le marché de la grande distribution continue son inexorable processus de concentration. Dans un contexte de consommation stagnante et de déflation, la stratégie des enseignes va au regroupement. Objectif: renforcer la puissance des centrales d’achats, négocier les tarifs les plus intéressants auprès des fournisseurs et faire bloc contre la concurrence. Une théorie des grands ensembles qui laisse peu d’espace aux petits fabricants et aux producteurs. C’est le serpent qui se mord la queue. Quelle place donner à ces acteurs minoritaires mais ô combien valorisés et prisés par le consommateur que sont le bio (2,5% de l’offre alimentaire totale) et le local? Doivent-ils sortir des circuits de la grande distribution et n’être réservés qu’à la vente directe et aux enseignes spécialisées?
Pour certains, l’avenir se trouve dans les SAT: les systèmes alimentaires territorialisés. En d’autres termes: des productions agro-industrielles à échelle régionale et locale et en accord avec l’environnement. À trois mois de la COP21, le sujet est plus que jamais d’actualité. Difficile, toutefois, de changer un modèle industriel de masse. Ils ne sont aujourd’hui que 10% de pionniers à expérimenter de nouvelles méthodes de production et à privilégier les intrants issus de la biomasse. Et le changement prendra du temps. Mais il est inévitable. La question du prix qui cristallise les tensions entre les acteurs de la chaîne agroalimentaire ne trouvera sa résolution qu’à travers une réorganisation complète des filières. Sur ce point, la distribution a un temps d’avance. Sensible aux désirs des consommateurs, le secteur a déjà développé son offre bio et locale en rayons. Reste le sourcing à améliorer, en donnant plus la main aux directeurs de magasins, par exemple, et moins aux centrales d’achat. Une petite révolution culturelle pour les groupes intégrés.
Et ce n’est pas le seul combat à mener. Le gaspillage alimentaire est l’autre dossier chaud de septembre. Au début du mois, les acteurs de la grande distribution ont été appelés par Ségolène Royal, la ministre de l’Écologie et du développement durable, à signer une convention d’engagements volontaires. L’invitation n’a pas plu à tout le monde. “C’est la maîtresse d’école qui convoque à la rentrée et à 63 ans, je n’ai plus l’âge”, a déclaré Michel-Edouard Leclerc, patron des centres E.Leclerc sur Europe 1… Avant d’ironiser: “C’est à qui va faire le moins de poubelles et lutter le plus contre le gaspillage”. La guerre des prix cédera-t-elle la place à celle des poubelles? Cela aurait le mérite de faire baisser la pression sur les petits fournisseurs, pris en étau entre producteurs et acheteurs de la distribution. De revaloriser, ensuite, les produits alimentaires, tout en œuvrant pour le bien de la planète. Allez, souriez, finalement, cette rentrée n’est pas si morose. Dans les intentions, du moins, on peut espérer qu’il y ait de beaux lendemains…