Nous ne consommons plus par besoin mais par envie. Ce qui nous pousse à consommer toujours plus. Avec, à la clé, un modèle qui s’essouffle et conduit à l’hyperconsommation. Tel est le constat de départ des 3e Assises de la Consommation qui se sont tenues en avril dernier. Un événement extrêmement riche de sens porté par la diversité des intervenants pluridisciplinaires et la qualité de leurs réflexions. “La consommation comme finalité conduit à une impasse, rappelle Christian Le Bret, initiateur des Assises. C’est de la confrontation des idées et des expériences que naissent de nouveaux concepts, de nouvelles richesses”.
Pourquoi et comment consommons-nous? Et comment le ferons-nous demain?
Clairement, on observe un retour aux fondamentaux, un désir exprimé par les consommateurs de produits de qualité, avec un engouement pour le frais, le bio, le local – bref, ce qui donne du sens –, une envie de praticité, d’efficacité, d’hyperpersonnalisation… Un Français sur deux désire consommer autrement, constate l’ObSoCo, au travers de son Observatoire des consommations émergentes, construit en 2012. Ce qui est sûr, c’est que ce n’est pas un effet de mode. Distributeurs et marques en sont conscients et s’y préparent. Et travaillent aux multiples (r)évolutions de la consommation auxquelles ils doivent faire face. Au-delà des révolutions technologiques et marketing, la consommation doit se réinventer dans un processus d’auto-révolution pour sortir d’un modèle destructeur – la surconsommation détruit de la valeur, de la croissance et des vies – et construire une perspective responsable, durable et pérenne.
Faut-il, pour autant, dire que la consommation ne correspond plus à la satisfaction des besoins? Pas sûr. Ne serait-ce qu’en regard de la production savante de faux besoins des équipes marketing. Sauf que ça ne marche qu’un temps. Et repose, finalement, “sur la négation de ce qui, à la base, correspond au fondement de la consommation”, rappelle le sociologue et député européen Robert Rochefort qui préfère plutôt s’interroger sur les besoins que la consommation doit s’autoriser à continuer à satisfaire en marchandisant leur satisfaction. Et, au contraire, ceux qu’elle ne doit pas satisfaire puisqu’elle est une fonction marchande de cette satisfaction du besoin.
Besoin, envie, désir, plaisir… arcanes et mystères de la consommation. En revanche, ce qui ne change pas, c’est la structure du psychisme humain. Le besoin appelle la satisfaction. La vocation du besoin est donc sa disparition. À l’opposé, le désir, son moteur, c’est de persister. D’où le paradoxe de la consommation, subtil mélange d’objets qui sont là pour satisfaire le besoin et, en même temps, pour qu’il n’y ait pas de satisfaction du besoin. Avec, à la clé, le don du marketeur, “de pervertir la différence entre besoin et désir pour créer de l’addiction”, souligne François Attali, directeur marketing stratégique du groupe Terrena. Quant à l’envie, il précise qu’il y a là quelque chose de l’ordre de la destruction, “consommer c’est absorber” et pose, ainsi, le socle de cette question très contemporaine: comment consommer avec respect, sans détruire? Quant au plaisir, il y a dans la consommation cette “régression consentie, cette part de déplaisir qui correspond au plaisir de se faire avoir”, ajoute-t-il. L’enchantement – ou le fameux réenchantement – c’est, finalement, “raconte-moi une histoire, fais-moi rêver, même si je sais que ce n’est pas vrai”.