On peut, aujourd’hui, se faire livrer ses produits de rasage comme son journal préféré. Le tout glissé dans la boîte aux lettres. C’est l’une des multiples trouvailles des pureplayers de la beauté, ces jeunes entreprises digitales qui révolutionnent le marché endormi de la parfumerie sélective. Birchbox, My Little Box, Monbarbier.com sont, parmi tant d’autres, les nouveaux acteurs du secteur qui séduisent de plus en plus de consommateurs. Et si leurs parts de marché restent, somme toute, marginales, leur développement à vitesse grand V révèle une chose: les enseignes de la distribution sélective ont du souci à se faire.
Bien sûr, le magasin reste le lieu d’expérience, l’écrin de la marque, le point d’ancrage physique nécessaire à la visibilité des commerçants. Évidemment, l’univers de la beauté, avec tout le symbole et l’imaginaire qu’il véhicule, a besoin de tisser une relation affective et intime avec ses clients et cela passe par la rencontre humaine. Du moins, jusqu’à aujourd’hui. Parce que si on s’en donne vraiment la peine, il est tout à fait possible de recréer la magie du magasin sur le web. La rapidité et le confort de la livraison en plus. La beauté chez soi, dans son canapé, sans avoir à courir les grandes surfaces spécialisées, c’est un peu à cela que va ressembler l’avenir du marché.
Un phénomène qui touche l’ensemble des secteurs marchands, même les plus résistants à la poussée d’Internet comme l’alimentaire. Et pour cause: les urbains passent, en moyenne, 2?h?40 à surfer sur le web chaque jour, selon OpinionWay. En dix ans, le temps en ligne a grimpé de 72%. Et quand on sait que les courses sont une corvée pour 53% des Français, l’on comprend le succès fulgurant de la livraison à domicile, de produits frais comme de rouges à lèvres. Mais plus loin que la praticité, ce qui fait mouche dans les services proposés par les sites d’e-beauté, ce sont les petites attentions. Une jolie boîte cadeau, des surprises, des produits offerts: bref, toute une scénarisation autour du produit livré. Un storytelling qui parle au consommateur et qui le fait se sentir unique, écouté, chouchouté.
Les grandes marques et les enseignes ont les moyens et la data pour faire des offres personnalisées. Certaines s’y mettent mais la machine est longue à mettre en route. La distribution sélective, surtout, est un paquebot qui manque d’agilité et de créativité. Dommage, car les pépites du web, elles, n’attendent pas pour se saisir du marché. Le sur-mesure a le vent en poupe et plus les marques vont maîtriser les données de leurs clients, mieux elles pourront en identifier les besoins. Sur ce terrain, les jeunes pousses aux business model verticaux, qui maîtrisent aussi bien la production, la distribution et le service client sans aucun intermédiaire, ont de l’avance sur les acteurs traditionnels.
Le bonheur est dans la data, on ne le répétera jamais assez. Mais attention, toutefois, à ne pas perdre la singularité et l’unicité qui font tout le charme du marché de la beauté. À trop vouloir se plier au désir des consommateurs, on ne le surprend plus. Le luxe, c’est justement assumer le fait de ne pas plaire à tout le monde et de savoir dire non. D’oser le clivage. “De l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace”, disait Danton. Et c’est sans doute le meilleur conseil à donner au secteur de la beauté face au défi du digital.