La crise des œufs contaminés au fipronil s’étend. Elle touche, désormais, au moins 17 pays européens. L’affaire commence le 20?juillet dernier. Les autorités belges informent la Commission européenne que du fipronil a été détecté dans des œufs d’élevages des Pays-Bas et de Belgique. Une présence liée à une utilisation frauduleuse de cet insecticide pour traiter les poux rouges des poules par des sociétés de désinfection de cages et poulaillers. Aujourd’hui, plus de 32 produits ont été retirés du marché en France: des pâtes, des brownies, des gaufres, des pommes dauphines, des muffins, des frangipanes… Des produits souvent fabriqués en France avec des œufs belges ou néerlandais contaminés. Côté marque, ce sont surtout les MDD qui sont touchées: Casino, Eco+, Franprix, Grand-Mère, Chabrior, Leader Price, Les Trouvailles de Lucile, Lotus, Marque Repère, Monoprix, U, Top Budget…
Du côté des associations et institutions, les interventions se font rares et discrètes, les éléments de langage se limitant à la prise en compte de l’ampleur de la crise et à l’attention portée à sa gestion. Ainsi, la Fédération du commerce et de la distribution (FCD) souligne, dès le 16?août, qu’elle est “très attentive et préoccupée par l’évolution de la crise provoquée par les œufs contaminés au fipronil” et rappelle que “dès le début, les enseignes adhérentes ont immédiatement interrogé leurs fournisseurs industriels afin d’obtenir la traçabilité exacte et des garanties sur l’absence de fipronil”. Même chose du côté de l’Association nationale des industries alimentaires (Ania) qui, le 18?août, tient à réaffirmer “la forte mobilisation de ses entreprises afin d’identifier au plus vite les produits touchés et les retirer, le cas échéant de la vente”.
Mais depuis, le débat s’est envenimé entre industriels et distributeurs, et les discours lissés des communicants oubliés. La bataille fait rage par blogs interposés entre Michel-Edouard Leclerc, président du groupement des centres E.Leclerc, et Richard Girardot, le PDG de Nestlé France. Chacun se renvoyant la responsabilité de la crise. C’est MEL qui a tiré le premier en pointant du doigt la sous-estimation des risques par certains industriels: “on est face à un vrai problème qui est celui de la difficulté incompréhensible qu’ont certains industriels à tracer correctement et facilement leurs approvisionnements (…) Un système assez opaque est ainsi pointé du doigt, que les lobbies industriels ont réussi à masquer jusqu’à présent en obtenant des politiques une exigence de transparence bien moins stricte que celle imposée aux distributeurs”. Évidemment, le message est mal passé. Le PDG de Nestlé France, Richard Girardot, s’est aussitôt fendu d’une réponse sur son blog soulignant que, pour lui, Michel-Edouard Leclerc a voulu “s’exonérer de toute responsabilité” et “détourner les soupçons vers l’ensemble de l’industrie agroalimentaire et son association professionnelle, relativisant ainsi les problèmes de ses marques Repère ou Eco+ (…) Les distributeurs se retrouvent à faire face aux mêmes difficultés et responsabilités que les marques nationales (…) Cette forme de leçon est des plus malvenues de la part d’un distributeur qui, pour acheter toujours moins cher, pousse ses fournisseurs à la faute”. L’affaire aurait pu en rester là. Mais MEL a réagi promptement à ces propos dans un nouveau billet: “Mazette, le patron de Nestlé France s’est étranglé avec son KitKat en lisant mon blog. Sa virulence n’a d’égale que sa mauvaise foi (…). Si le président de Nestlé avait lu mon papier avec plus d‘attention, il aurait noté que je ne mettais pas en cause la qualité de ses produits, mais que je regrettais que l’association (l’Ania, ndlr) qu’il défend aujourd’hui ne se soit pas impliquée dans cette affaire du fipronil dès le début. Il aurait été normal que cet énorme regroupement d’industriels soit vite sur le pont pour informer ses partenaires, les distributeurs, et évoquer le problème et les solutions. Sauf à considérer que l’Ania n’est qu’un lobby économique au service de la seule rentabilité de ses membres”.
En attendant, les ventes d’œufs en GMS ont reculé de 8,7% entre le 7 et le 13?août (contre +2% deux mois plus tôt), selon l’IRI. Soit 8,5millions d’œufs en moins et une perte de CA de 1,6?million d’euros pour les grandes surfaces. Des chiffres incomplets qui pourraient encore être revus à la baisse, d’autant qu’un autre insecticide interdit a été retrouvé dans des œufs. Pour l’heure, seul le bio est épargné avec des ventes en progression de 8,4% sur la période. Signe des temps…