Distributeurs : “Valoriser l’expérience café”

• L’annonce du rapprochement entre Mondelez et Master Blenders pour les cafés avait fait grand bruit. Quelle analyse faites-vous de cette association? L’union des numéros?2 et?3 démontre la dynamique du secteur et le potentiel d’opportunités qu’il représente. Mondelez, associé à Master Blenders, représentera plus de 15% du marché mondial quand Nestlé est à environ 12%. Mais la puissance des volumes n’est pas du tout comparable à celle des marques. Seul Nestlé possède une marque mondiale qui touche tous les citoyens sur tous les continents: Nescafé. D’autre part, Nespresso est en train de conquérir les marchés matures en créant des attentes nouvelles et en accélérant la “premiumisation” de l’offre, sans toucher toutefois toutes les zones géographiques.À l’opposé, chez Mondelez et Master Blenders, les marques (Carte Noire, Jacobs, Gevalia, Kenco, Douwe Egberts, Maxwell House, Pilao, Senseo ou Tassimo…) sont beaucoup trop locales et nombreuses. Cette organisation du portefeuille de marques, qui sera encore plus large avec la fusion, dilue l’impact et la performance de l’activité. Aujourd’hui, seul Jacobs est une marque milliardaire mais est très loin de l’impact de Nescafé, qui reste la seule marque à incarner la catégorie avec une valorisation de plus de 11,4?milliards de dollars (source Interbrand Best Global Brands 2014).• Pourquoi le café est-il un marché clé pour les industriels?Le café appartient à la catégorie des Boissons: c’est un marché clé pour les industriels car le rôle de la marque - c’est-à-dire la part reposant sur la marque dans la décision de choix - y est extrêmement élevé. Sur cette catégorie, une marque forte aide les industriels à justifier un premium et à engendrer une fidélité forte. C’est en mettant la marque au cœur de la stratégie business que le potentiel de création de valeur peut alors être décuplé.• Pourquoi est-ce une catégorie de produits qui inspire autant les marques?Au-delà des variations d’exploitations et des risques inhérents aux variations de la matière première, la capacité de la catégorie à répondre avec une grande pertinence aux attentes et désirs des consommateurs est sans cesse renouvelée. Le café réchauffe (parfois rafraîchit) et crée du lien. Sa charge émotionnelle est très forte. Il possède cette force de répondre à l’envie de s’offrir un plaisir raisonnable, et ce à tout moment et en tout lieu.• En quoi le dynamisme du secteur est-il un atout pour les distributeurs et les chefs de rayons concernés?Starbucks et McDonald’s introduisent ou vont introduire leur marque et leurs offres en grande distribution. Cela démontre que la vitalité de la catégorie est forte. Les consommateurs attendent des marques fortes qui leur délivrent une expérience puissante, au-delà du produit, et permettent de créer, recréer et sublimer l’instant café. L’expérience devra être multicanale. Dans l’“ère du vous”, la personnalisation des offres mais, surtout, de la relation sera au cœur du développement de la catégorie dans les cinq prochaines années. • Alors que les marques optent de plus en plus pour leur propre réseau de distribution, comme les hyper et supermarchés peuvent-il retenir les marques de café?Les distributeurs doivent travailler à valoriser l’expérience café. Aujourd’hui, la grande distribution est de plus “des-intermédiée”: je peux m’offrir un café avant, pendant, après l’acte shopping. En bas de chez moi (café traditionnel, McCafé, Starbucks), en machine automatique, en drive-in, dans la galerie commerciale, etc. Les suggestions et les occasions de consommation sont permanentes. Cela renforce l’attention des consommateurs sur le café et accroît mécaniquement l’ensemble de la catégorie (off-trade ou on-trade). La grande distribution doit travailler à se réapproprier cet espace en réinvitant à la dégustation, à l’expérience et à la conversion au sein des surfaces de ventes.• A l’inverse, a-t-on une chance de voir un jour des dosettes Nespresso dans les rayons?Nestlé possède une marque très forte avec Nescafé, et une marque forte Nespresso. Les business models y sont différents et les stratégies de marques les corroborent. La stratégie mainstream (universalité, ouverture, adaptabilité) de Nescafé n’est pas la même que la stratégie de high end (contrôle de l’expérience, rareté, consolidation) sur Nespresso. Les marques restent fortes lorsqu’elles alignent leur business model avec leurs actes et leurs paroles. L’opportunité est forte pour Nespresso d’entrer dans les rayons mais cela pèserait sur l’actif marque. Dans ce cas, la marque privilégierait la tactique au stratégique.

Distributeurs : “Valoriser l’expérience café”

Distributeurs “Valoriser l’expérience café”