Les chiffres donnent le tournis. Le marché du bio, tous circuits confondus, a bondi de + 17 % en 2018 à 8 milliards d’euros. Les chaînes spécialisées ne sont plus les seules à bénéficier de cet engouement des consommateurs français. Désormais, plus de la moitié du chiffre d’affaires du bio, soit 4,38 milliards d’euros, est réalisé en GMS. Une aubaine que les enseignes alimentaires ont su mettre à profit ces dernières années. D’abord en multipliant leurs références en marques propres, mais aussi en allouant davantage de place en rayon à l’ensemble des produits bio. Résultat : le nombre de références bio en supermarchés et hypermarchés s’est ainsi envolé de + 26,8 % en 2018 (contre 20,3 % en 2017).
À tel point que les enseignes conventionnelles se sont mises à espérer une part du gâteau encore plus importante. Les initiatives de création de circuits spécialisés issus de la GMS se sont multipliées. Avec des résultats mitigés et un rétropédalage forcé. Le premier “Marché bio” du réseau E.Leclerc, inauguré en octobre 2018, n’a sans doute pas encore convaincu : les 40 magasins spécialisés qui devaient voir le jour “dans les prochains mois” se résument, pour l’instant, à deux unités. Même constat pour Auchan bio ouvert il y a plus de deux ans dans le Nord. De son côté, Carrefour propose une vingtaine de points de vente en France. Clairement, la distribution alimentaire peine à peser sur le marché des enseignes spécialisées. Et revoit sa copie en revenant aux fondamentaux qui ont fait son succès : la multiplication de l’offre.
Une démocratisation qui doit beaucoup à l’explosion des MDD, précurseurs du bio en GMS. Un des pionniers, Casino, affiche aujourd’hui 600 références bio avec un objectif de 1 000 d’ici à la fin de l’année. Le Groupement des Mousquetaires a développé 400 produits bio à marque propre avec une démarche de transparence totale sur sa supply chain menée conjointement avec SGS Transparency One. La gamme devrait atteindre les 600 produits en 2020. La marque Carrefour bio compte, elle, 700 références. L’objectif est clairement affiché : l’ambition des GSA est de doubler leur chiffre d’affaires dans le bio d’ici trois ans en multipliant les références et en misant sur l’argument santé, une des clés d’entrée sur le marché de la bio, mais aussi des nouvelles consommations veggie ou vegan.
Pour continuer à participer à cette démocratisation du bio, les enseignes spécialisées, pionnières en la matière, affûtent leurs armes, fédèrent des communautés sur Internet et mettent en avant leurs valeurs : circuits courts, proximité, bien-être animal, juste rémunération des producteurs… Ce que Xavier Terlet, fondateur du groupe XTC nomme les “stratégies de bio augmenté”. Reste qu’en la matière, les GSA jouent déjà sur ce tableau avec succès avec leurs MDD, bio ou non. À l’image de la gamme citoyenne élargie aux œufs plein air “Les éleveurs vous disent merci !” du Groupement des Mousquetaires lancée en mars dernier. Une chose est sûre, c’est que ce sont les consommateurs qui dicteront leur loi sur ce marché en pleine évolution avec des exigences en termes de sécurité alimentaire, de transparence des filières, de traçabilité sur les produits, quel que soit le circuit utilisé. Du bio augmenté, oui. Mais avec des gages de confiance.
Francis Luzin