Fin de la partie pour Sephora. L’enseigne, filiale de LVMH, devra fermer son magasin des Champs Elysées à 21h, ainsi qu’en a décidé la cour d’appel de Paris. Chaque infraction constatée lui en coûtera désormais 80 000€. Tandis que le comité de Liaison Intersyndicale du Commerce de Paris (Clic-P), lui, se félicite de cet arrêt :"Cette décision conforte les organisations du Clic-P dans leur lutte pour faire respecter la loi sur le travail de nuit (…) qui constitue une menace pour la santé et la sécurité des travailleurs", du côté des commerçants, c’est la consternation. "Il faut absolument faire évoluer la loi, c’est une peine à plusieurs niveaux !", déclare Gérard Atlan, président du Conseil du Commerce de France (Cdcf). Car si l’enseigne réalisait 20% de son chiffre d’affaires total rien que le soir, le manque à gagner va également se faire ressentir chez les salariés volontaires au travail nocturne :"il faut laisser aux entreprises le soin de servir leurs clients quand ils sont là et réaliser leur chiffre d’affaires et aux salariés volontaires, les moyens d’améliorer leur salaire", souligne Gérard Atlan. Mais la Cour d’appel de Paris ne l’a pas entendu de cette oreille.
La loi et l’esprit de la loi
Le verdict du tribunal s’est d’ailleurs révélé particulièrement sévère contre l’enseigne qui disposait pourtant d’arguments solides pour sa défense, comme l’explique Claire Toumieux, avocat associé au cabinet Flichy Grangé Avocats :"La société a fait la preuve qu’elle avait uniquement recours à des volontaires qui bénéficiaient d’un suivi médical particulier, étaient raccompagnés en taxi à partir de minuit, et ne mettait, par conséquent, pas la santé des salariés en jeu" relate-t-elle. Or, non seulement la cour d’appel a fait montre d’une interprétation extrêmement stricte de la loi, en arguant que le caractère exceptionnel de cette ouverture ne se définissait non pas par rapport aux effectifs de la société – ce que Sephora avait mis en avant en déclarant qu’à peine une centaine de ses salariés sur les 4100 membres du réseau travaillaient après 21h – mais devait "s’apprécier au regard du secteur d’activité, pour lequel le travail de nuit est inhérent ou qu’il n’existe pas de possibilité d’aménagement du temps de travail", précise l’avocate. Ce qui n’est pas le cas des agences de parfumerie. En outre, la Cour a également conclu que les mesures d’accompagnement mises en place par l’enseigne en matière de santé et de sécurité des salariés, ne constituait pas une nécessité d’assurer la continuité d’une activité économique et sociale et que l’enseigne ne pouvait, par conséquent, déroger à des disposition d’ordre publique.
Gouvernement rétif
Un jugement qui a de quoi surprendre quand on sait que 20% du chiffre d’affaires global, toute enseigne confondue, réalisé sur les Champs-Elysées sont réalisés durant la nuit. "Il y a un décalage entre la loi et l’interprétation des tribunaux d’une part et la réalité économique d’autre part. On sent bien que les tribunaux n’ont pas pris compte de l’évolution du commerce et des nécessités économiques en terme d’emplois", poursuit Claire Toumieux. Les commerçants et certains députés, soutenus par le Medef, craignent que cette décision ne marginalise un peu plus une France déjà concurrencée en terme d’attractivité touristique et commerciale par d’autres capitales européennes telles que Barcelone ou Londres. "Les magasins des Champs-Elysées font l’objet d’une réglementation obsolète pour une zone de chalandise aussi internationale", souligne Gérard Atlan qui rappelle que "toute activité économique issue de la consommation et du commerce profite à l’ensemble de l’économie française". Si les syndicats font aujourd’hui cause commune de l’ouverture tardive et dominicale, les différents gouvernements, rétifs à sacrifier le repos du dimanche aux besoins des enseignes et des salariés volontaires tout comme à banaliser le travail de nuit, continuent de botter en touche sur cet épineux dossier. En mai dernier, à l’occasion du Pacte pour le développement du Commerce organisé par le Cdcf, le candidat François Hollande s’était pourtant montré ouvert à une extension des horaires d’ouvertures. Mais les récentes interdictions d’ouverture délivrées par la justice – Bricorama, Apple et Monoprix ont précédé Sephora, en 2012- révèlent que la question est loin d’être réglée.
Exergue : "Toute activité économique issue de la consommation et du commerce profite à l’ensemble de l’économie française"
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