Et si, en 2019, on cessait d’acheter? Ce postulat peut sembler étrange à l’heure où nous vivons une époque contrariée, traversée, depuis près de dix semaines, par un mouvement social des gilets jaunes dont le principal mot d’ordre est la hausse du pouvoir d’achat. Dans une société de consommation sans entrave, où chaque objet, quel que soit son prix, est à portée d’yeux, posséder, c’est exister. Alimenté par les réseaux sociaux où tout se montre et se met en scène, le désir d’accéder à un monde meilleur par le truchement de valeurs matérielles s’affirme et se confronte, brutalement, à la réalité. Le fantasme est rattrapé par les contraintes budgétaires.
Pour une partie des consommateurs, ceux, notamment, qui défilent dans les rues chaque samedi, ce principe de réalité provoque un sentiment d’injustice et de colère. Chez d’autres, il a conduit à changer radicalement leur mode de vie. Conscients des effets négatifs de la surconsommation (écologiques, économiques et sociaux), 77% des Français interrogés par l’Observatoire Société et Consommation (ObSoCo) ont déclaré préférer l’usage à la possession. Le streaming, l’abonnement, la location sont les piliers d’une économie de la fonctionnalité. Bien sûr, le mouvement est émergent. Mais comme tous les signaux faibles, il dessine les contours d’une nouvelle société de consommation répondant mieux aux enjeux environnementaux et sociétaux qui s’imposent.
Aux États-Unis, des licornes comme Rent the Runway, valorisée 1?milliard d’euros, ont fait fortune sur cette tendance apparue après la crise économique de 2008. Contraintes de se séparer d’une partie de leurs biens, les victimes du dernier krach boursier sont passées d’un modèle de possession à une économie d’usage. Les sites de partage et d’échange de biens et de services entre particuliers ont remis au goût du jour le business model existant mais peu exploité de la location. Propulsés dans l’écosystème digital, les spécialistes de la location en ligne se sont fait une place en or, à l’image de Drivy, Lokéo, Airbnb, Deezer et bien d’autres.
Preuve de la solidité de ce marché naissant, les acteurs de l’économie traditionnelle s’y intéressent. Ikea et Système U proposent déjà des services de location, Bic a créé le Bic Shave Club et même Nespresso, dont on pensait captifs les consommateurs, vient de lancer une formule d’abonnement pour sa machine Vertuo. Bricolage, ameublement, chaussures, habillement, fleurs, voitures, produits d’hygiène-beauté… Tous les produits de la vie quotidienne ou exceptionnelle (le luxe a été l’un des premiers à s’installer sur ce marché) peuvent désormais se louer, facilement et sans engagement, selon le rythme et les besoins de chacun. N’est-ce pas là la voie vers une consommation raisonnable, moins effrénée et plus réfléchie?
L’économie de la fonctionnalité a pour vertu de satisfaire le désir de posséder – un objet ou un service – pour un temps. Et si ce temps donné, délimité, était la clé? Andy Warhol annonçait, avec justesse, que dans le futur, chacun de nous connaîtrait son quart d’heure de célébrité mondiale. De la même façon, la consommation de demain pourrait offrir à tous, un quart d’heure de rêve matériel. Une photo et des centaines de likes sur Instagram avec la robe ou le sac tant convoités et hop, le charme de l’objet s’estompe. Fini alors, les armoires qui débordent, les garages remplis d’électroménager ou de
Hi-fi à peine utilisés ou déjà voués à l’obsolescence programmée. Bienvenue aux produits de qualité, remplacés en cas d’usure, loués pour une nuit ou une vie. Certes, 2019 ne sonnera pas (encore) l’avènement d’une ère immatérielle. Mais nul doute que cette nouvelle année posera la question de la valeur réelle de nos biens et celle, en creux, de nos véritables besoins.
Points de Vente adresse à ses fidèles lecteurs ses meilleurs vœux pour 2019 et une belle année riche en lecture et réflexions