Amazon s’intéresse aux petits producteurs

L’étau se resserre sur les distributeurs français. Le 7?novembre dernier, Amazon a lancé “La boutique des producteurs”: un espace de vente dédié aux petits producteurs régionaux (boucheries, fromageries, distilleries, etc.) et qui devrait renforcer la visibilité des TPE et PME françaises. Près de 2?000 références alimentaires typiques des fêtes de fin d’année y sont proposées et distribuées en France et en Europe. “Nombre d’entreprises du monde agricole ont encore du mal à s’inscrire dans l’économie numérique et nous sommes heureux de pouvoir les aider à saisir les opportunités du e-commerce pour développer leur activité tout en gardant la maîtrise de leur politique commerciale”, affirme Patrick Labarre, directeur d’Amazon France, dans un communiqué. Selon Opinion Way, 68% des TPE-PME considèrent le numérique comme un levier de croissance. Amazon rappelle que plus de 10?000 entreprises basées en France vendent actuellement leurs produits sur sa plateforme. En 2017, celles-ci auraient réalisé un chiffre d’affaires à l’export dépassant les 250?M€, rapporte le géant du web.Risque de dépendanceDe quoi mettre un coup de pression aux retailers français qui pensaient, jusqu’alors, que le commerce alimentaire local échapperait toujours aux griffes séduisantes des pure players? Pour David Godest, fondateur de Dolmen, le rapprochement entre Amazon et les producteurs locaux est l’aboutissement d’une convergence naturelle: “d’un côté, il y a un acteur dominant, expert en nouvelles technologies de l’autre, des petits commerçants qui ne savent pas digitaliser. Cette alliance offre à Amazon l’occasion de communiquer à moindres frais et positivement – il ne passe plus pour un ogre – et pour les producteurs, c’est un moyen de se faire connaître et d’augmenter leurs ventes”, explique-t-il. La “générosité” d’Amazon envers les producteurs locaux français n’est toutefois pas sans contrepartie. Pour être référencé dans la boutique de la marketplace, les commerçants et producteurs devront verser un abonnement mensuel de 39?euros, les trois premiers mois étant gratuits. Amazon percevra ensuite une commission allant de 8% à 15% par produit expédié, calculé selon le poids du colis. Lot de compensation: les adhérents resteront maîtres de leur stratégie commerciale et des politiques promotionnelles. Attention, cependant, au risque de dépendance, prévient David Godest: “si Amazon est un bon tremplin pour les petites marques, il est libre de s’en séparer en cas de mauvaises performances, de façon unilatérale”. De plus, la relation client reste entre les mains du pure player qui aiguise un peu plus ses talents de “profiler”. Algorithmes vs humainsCe concept générateur de data est la 3e boutique développée par Amazon en Europe, après l’Italie et l’Espagne. La France ne représente pour le pure player que 1% de son business (et 5 à 10% pour l’Europe de l’Ouest). La seule façon de percer davantage dans l’hexagone est d’augmenter sa présence physique. L’ouverture de son premier magasin éphémère de Noël, à Paris, en décembre dernier, lui a permis de tester le marché, sans grand succès. En revanche, le rapprochement avec Monoprix lui apporte une nouvelle base de clients adeptes du commerce de proximité, majoritairement urbains. Si le danger est présent, David Godest se montre rassurant envers les acteurs français et leur délivre un conseil: “ne jamais essayer de suivre les géants du web, toujours plus puissants, plus rapides et financés”. Pour rappel, en termes de capitalisation, Carrefour vaut 70% moins qu’Amazon. Mais ce que les distributeurs physiques possèdent et qu’Amazon lorgne sans encore y parvenir, c’est l’expertise du commerce physique. “Là où Amazon supprime les irritants, privilégient la rapidité et l’efficacité”, ajoute l’expert. À une politique commerciale guidée par des algorithmes de classement des meilleures ventes sur le site marchand, préférez l’expérience d’achat et la relation humaine. Les attentes sociétales des consommateurs dirigent, de plus en plus, leurs comportements d’achat. Et ce, sur ce terrain-là, nos commerçants physiques ont un train d’avance sur les pure players. Espérons qu’ils l’utilisent tant qu’il est encore temps.

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