Enfin la fin de la guerre des prix??

À l’étude depuis le 22?mai dernier, le futur projet de la Loi dite Alimentation (de son vrai nom, la Loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire, et une alimentation saine et durable) continue de faire parler de lui. Tandis que pas moins de 2?627 amendements ont été déposés et sont actuellement décortiqués par les parlementaires, les réactions fusent du côté des distributeurs comme du secteur agricole. “Rééquilibrage des relations commerciales” selon la Feef, “enfumage”, écrit sur son blog Michel-Edouard Leclerc; “objet de vigilance” de la FNSEA: le texte rassemble autant qu’il divise. La question du relèvement du seuil de revente à perte qui obligerait les distributeurs à vendre au moins 10% plus cher qu’achetés les produits alimentaires, fait partie des points hautement sensibles. Une mesure qui a pour objectif de mettre fin à la guerre des prix que se livrent les enseignes depuis plusieurs années. “Si le projet de loi est appliqué tel quel, cela changera beaucoup de choses non seulement pour la distribution française mais aussi pour l’ensemble de la filière. Ce texte vise à mettre fin à la forte dissymétrie qui existe aujourd’hui entre le pouvoir économique des distributeurs et celui des producteurs. Il porte sur tous les stades de la chaîne de valeur”, commente Julie Catala Marty, avocate associée chez Franklin. Si les PME et les syndicats agricoles se réjouissent d’une meilleure répartition de la valeur, les enseignes, elles, grincent des dents. “Comme si la limitation des promos sur le Nutella et l’augmentation jusqu’à 10% du Coca ou du Fanta allait ruisseler vers les producteurs agricoles français?!”, ironise Michel-Edouard Leclerc qui souligne, au passage, que 70% des produits concernés par les hausses annoncées ne contiennent que peu de matière agricole et pas forcément produite en France et de conclure, sans ambages, que ce projet de loi “est une vaste arnaque qui n’a pour but que de regonfler les marges de certains distributeurs”. Ambiance… Quid des rapprochements de centrales d’achat?Et ce n’est pas tout. L’encadrement des promotions qui sonnerait le glas à la logique du “1 acheté, 1 gratuit” et l’interdiction de rabais supérieurs à 25% de la somme payée sur les six derniers mois viennent contraindre un peu plus la politique tarifaire des enseignes. De quoi en finir avec les opérations promotionnelles massives comme celles organisées cette année autour du Nutella ou des couches-culottes. “Les acteurs qui ont développé des parts de marché en revendiquant des politiques promotionnelles d’envergure vont perdre en marge de manœuvre. Reste à savoir, maintenant, si ceux-ci joueront le jeu au profit des producteurs”, note Julie Catala Marty. Pour les y aider, la future loi prévoit également une refonte de toute la relation contractuelle entre producteurs et acheteurs, de façon à ce que les premiers ne subissent plus les négociations avec les seconds. “Le prix devra être construit en fonction des coûts de production supportés par les agriculteurs”, précise l’avocate. Ceux-ci seront calculés sur des indices définis en interprofession et mentionnés dans les contrats avec leurs clients transformateurs. Ils serviront de base au calcul du prix final.Enfin, l’introduction de dispositions relatives à la transparence et aux pratiques restrictives devrait modifier notablement le fonctionnement des négociations en appliquant un nouveau formalisme dans la relation contractuelle. Une fois la loi promulguée, le gouvernement aura 9 mois pour prendre ces mesures. Toutefois, si ce texte entend contribuer à changer le prisme des relations commerciales, il n’aborde pas l’épineux problème de la concentration, comme le déplore Julie Catala Marty: “les nombreux regroupements des centrales d’achat des distributeurs peuvent avoir un impact sur le déséquilibre des forces entre acheteurs et fournisseurs. La question se pose, d’un point de vue concurrentiel, de la réelle capacité de négociation de certains fournisseurs notamment des PME face à ces centrales”. Dominique Amirault, président de la FEEF, va plus loin. Il demande à “mettre fin à la dérive du droit de la concurrence européen et français qui consiste à justifier les concentrations par le fait qu’elles seraient bonnes parce qu’elles conduisent à des baisses de prix qui seraient profitables aux consommateurs”. L’assignation de la DGCCRF adressée à Intermarché et Casino pour des négociations menées en 2015 avec 13 multinationales du secteur de l’hygiène-beauté, via leur centrale de référencement commune INCA-A, met en lumière ces déséquilibres. Signe que si la loi évolue, les pratiques demeurent ancrées et c’est tout le travail des Etats Généraux de l’Alimentation de les faire changer.

Enfin la fin de la guerre des prix??

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