L’hyper est-il vraiment mort ?

Alors comme ça, l’hyper serait (encore une fois) mort… Ainsi l’annonce le quotidien Les Échos du 14?mars dernier. Décidément, voilà plus de dix ans que la fin de l’hypermarché est déclarée et pourtant, les locomotives alimentaires des centres commerciaux continuent de faire le gros du chiffre d’affaires et des ventes de l’ensemble des distributeurs. Pour preuve: les parts de marché du format hyper pèsent pas moins de 45% en 2015, selon Kantar. Certes, lors des résultats annuels de Casino, le pdg du groupe Jean-Charles Naouri affirmait qu’il continuerait à s’adapter aux tendances nouvelles de consommation “en développant les formats les plus porteurs, premium, discount proximité et e-commerce”. Soit, Carrefour vient d’inaugurer un deuxième magasin City à Orly et prévoit d’intensifier son réseau de proximité. Mais doit-on pour autant y voir un retournement du marché? Éternel Phénix“La mort de l’hyper est un marronnier, tout comme la mort des soldes. Pourtant, chaque année, on réalise qu’en fait… non”, ironise Yves Marin, directeur chez Wavestone. L’hyper serait-il un éternel phénix qui renaîtrait sans cesse de ses cendres? Oui, une conjonction de facteurs mettent la pression sur le format. En premier lieu, la surcapacité de surfaces sur un marché où la taille du gâteau diminue. “Les acteurs de la grande distribution ont mal anticipé la croissance de leur secteur, le déclin de l’offre non-alimentaire et la montée en puissance des GSS, qui ont su bien travailler leurs marchés”, analyse le directeur. À cela, s’ajoute un léger morcellement des achats, partagés désormais entre le web, la proximité, le drive et l’hyper, qui participe à l’érosion de la fréquentation. Des signaux faibles qui montrent que le modèle doit s’adapter aux comportements de consommation. “Il y a des réorientations à faire, de manière progressive, en particulier sur le non alimentaire”, affirme Yves Marin. De fait, le mix non alimentaire est passé d’un tiers de l’offre à 20% en dix ans et la surface qui lui est dédiée sur le point de vente tend à se réduire chaque année au profit de l’alimentaire, dont les ventes restent stables. La faute au web, un peu, mais aussi à la place grandissante des produits alimentaires dans les linéaires et leur valorisation. Pas étonnant alors qu’Intermarché axe sa marque propre sur le “manger mieux”, fourre-tout du bio, veggie, cleanlabel et autres gammes healthy. “L’hyper est le format dominant du commerce food en France”, affirme le directeur. Qui plus est, il n’est guère attaqué par les formats concurrentiels des autres branches. Effet de saturationSi les chiffres de croissance de la proximité ont de quoi séduire (+3% en moyenne), cela ne représente qu’une infime partie du marché qui bénéficie, entre autres, du changement d’enseignes au sein des groupes (Dia devenu Carrefour City en 2016). Quant aux réductions de surfaces annoncées par Casino ou les autres, elles sont, en réalité, le fruit d’un effet mécanique plus que d’une volonté des enseignes d’abandonner leur poule aux œufs d’or. Pour preuve, dans sa feuille de route pour 2017, Intermarché prévoit la création de 62?000?m2 de surface commerciale, notamment à travers l’agrandissement ou le transfert de certains de ses points de vente. “Les trois grands acteurs du secteur se posent actuellement la question de l’optimisation de leurs surfaces vente et de la création de surfaces plus petites par effet de saturation du parc”, indique Yves Marin. Comme c’est le cas pour les centres commerciaux, les gros paquebots sont déjà en place, ne reste de l’espace, et de façon incrémentale, que pour les petits navires. Car quoi qu’on en dise, les hypermarchés restent d’incroyables machines à vendre. “La logique de one-stop shopping – à savoir de faire ses courses vite et au même endroit – est toujours d’actualité et elle est alliée aux prix concurrentiels de la grande distribution”, note le directeur de Wavestone. Des atouts non négligeables pour des hypers dans un pays où la culture du prix de fond de rayon est de rigueur. De plus, parce qu’ils offrent un bon équilibre entre achats listés et espaces de stimulation commerciale, les grands formats continuent d’attirer les Français. Non sans de nécessaires évolutions, bien sûr. Une grosse marge de progression demeure à effectuer sur le drive, tant en termes d’assortiments que de services, des relais de croissance tels que les pôles de restauration sont à actionner sur les surfaces de vente, ou encore, la premiumisation de l’offre (le fameux quartile supérieur d’Auchan). Mais ce sont autant de chantiers qui révèlent qu’il y a encore matière à s’amuser, demain, sur le marché de la distribution alimentaire.

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