Qu’ils soient Africains, Chinois ou Français, les consommateurs du monde entier ont un point commun: ils aiment la nouveauté. Exit la routine alimentaire. Plus le pouvoir d’achat augmente, plus l’on veut manger diversifié, goûter les meilleurs produits, s’ouvrir aux saveurs venues d’ailleurs. C’est un fait, l’homme est inconstant et se lasse vite. C’est, sans doute, ce qui explique le dynamisme du marché de l’agroalimentaire mondial. En croissance de 10% en 2016… Et de 70% en 2036: “le secteur est euphorique”, confirme Nicolas Trentesaux, le directeur du Salon de l’Innovation Agroalimentaire (Sial). En témoigne le nombre d’innovations qui seront présentées, cette année, sur le salon. Pas moins de 2200… Quand 25?000 produits quittent les rayons des GMS moins d’un an après leur lancement.
Car c’est là où le bât blesse. Oui, les PME françaises regorgent d’idées, débordent d’audace et innovent à tour de bras. Mais quand le marketing ne suit pas, que reste-t-il? Face à une offre alimentaire débordante et seulement quelques secondes pour choisir le produit à mettre dans leur panier, les consommateurs ont, littéralement, besoin d’être dragués. Qui plus est, s’ils sont étrangers. Car l’avenir des entreprises alimentaires ne se trouve pas en France mais sur les marchés extérieurs. Trop matures, saturés par une consommation de masse qui sévit depuis trente ans et surtout pénalisés par un pouvoir d’achat amoindri par les successives crises économiques, les pays industrialisés ne font plus rêver les fabricants. L’Amérique du Sud, le Japon, les Émirats Arabes Unis, la Chine bien sûr, et l’Afrique sont les nouveaux eldorados des IAA.
Mais pour s’imposer sur ces marchés inconnus, mieux vaut être armés. Et ne pas partir “la fleur au fusil”, comme dirait Xavier Terlet, président d’XTC World Innovation. Les différences culturelles, les contraintes locales, l’histoire culinaire des populations sont autant de paramètres à considérer lorsque l’on veut lancer un produit dans un autre pays et qui restent, hélas, trop souvent négligés. Les échecs monumentaux des grands groupes sur les marchés chinois et africains montrent à quel point les entreprises connaissent mal l’environnement de leur offre. Obsédées par le marketing, la communication, elles en oublient l’essentiel: les usages et les modes de vie des consommateurs. Réfléchir à la façon dont l’aliment s’intègre dans la vie des hommes. Comment il devient une nécessité, sociale ou individuelle. À toutes ces questions, l’anthropologie peut répondre, lorsqu’elle travaille de concert avec les industriels. C’est le cas pour Danone et Nestlé. Évidemment, les TPE et PME ne disposent pas de telles ressources. Mais rien ne les empêche d’étudier le marché avant d’y foncer tête baissée, en brandissant, comme seul argument, le fameux “Made in France”.
Comprendre, notamment, que les attentes des mangeurs du monde entier ont changé. Que si les pays émergents, d’un côté, sont avides de viande, les pays industrialisés, de l’autre, versent de plus en plus dans le végétarisme. Que des mouvements de consommation tels que le détox, le véganisme, le retour aux produits sains, la montée du bio ou l’exigence de transparence ne sont pas à prendre à la légère. Ce sont même les signaux faibles des tendances alimentaires de demain. Du trop-plein au rien, il y aura un vide à combler. Entre l’ascèse et la surconsommation, le champ des possibles est large. Et le terrain de jeu immense, pour les IAA innovantes.