Ne cherchez plus la viande dans le menu du Plaza Athénée, le restaurant parisien d’Alain Ducasse, vous ne la trouverez pas. Cela fait un an que le Chef trois étoiles a supprimé cet aliment de sa carte, expliquant à l’AFP que notre planète avait “des ressources rares”, qu’il fallait donc “la consommer plus éthiquement, plus équitablement”. Depuis, d’autres Chefs (Thierry Marx, Joël Robuchon) lui ont emboîté le pas. Si seuls les gastronomes au portefeuille bien rempli peuvent s’émouvoir de ce revirement culinaire, c’est bien l’ensemble des Français qui, dans leur quotidien, s’interrogent sur leurs habitudes de consommation: et si nous devenions tous des végétariens? Oubliés, la chasse et l’instinct prédateur, l’homme deviendrait un bienveillant herbivore, soucieux du bien-être de ses confrères animaux et de la nature qui l’entoure. On estime entre 1% et 3% le nombre de végétariens dans la population française. Pas de quoi affoler les éleveurs – la viande continue de représenter 20% du panier alimentaire des Français en 2014, selon l’Insee – si ce n’est que la consommation de produits carnés ne cesse de baisser. Entre?1998 et2014, on est passé de 94kg de viande par personne à 86?kg, indique FranceAgrimer. Pour Céline Laisney, directrice d’AlimAvenir, il ne s’agit pas du tout d’un effet de mode: “l’inflexion a commencé dès les années 80 et se poursuit. Elle est observable dans la plupart des pays développés qui connaissent un pic de consommation de la viande à partir duquel celle-ci décroît”. C’est le fameux “Peak Meat”.Alors que les pays en voie de développement mangent de plus en plus de viande, en quête de statut social et de diversité alimentaire, l’Europe et les États-Unis mettent la pédale douce. “Dans les pays riches, la viande est devenue moins désirable car banalisée. À partir des années 50, on a parlé de l’ère du bifteck: même les pauvres pouvaient en manger tous les jours?! La viande n’était plus un signe de richesse et l’appétence des consommateurs s’est effritée”, raconte le psychiatre Gérard Apfeldorfer, président d’honneur du Groupe de Réflexion sur l’Obésité et le Surpoids (G.R.O.S). Après les Trente Glorieuses, la viande a cessé d’être un produit de luxe. Ce qui n’en fait pas une denrée accessible pour autant. À en croire l’étude sur les 50 ans de consommation alimentaire réalisée par l’Insee, la consommation de viande de bœuf, tout particulièrement, reste corrélée au pouvoir d’achat. “La hausse du budget des ménages n’augmente pas le volume de viande de bœuf achetée mais une baisse va l’impacter”, commente Nathalie Morer, responsable de la section consommation des ménages. La crise économique de 2008, doublée du traumatisme du scandale de la vache folle en 1998, ont freiné les achats de viande rouge.
Sus à la viande?!Il ne manquait plus que le rapport publié par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) en novembre dernier, alertant sur le potentiel cancérogène de la viande (rouge et charcuterie), pour raviver les soupçons autour d’un aliment déjà honni par les défenseurs du végétal. En quelques jours, manger de la viande est devenu un acte aussi dangereux pour la santé que fumer ou boire de l’alcool. Devant le tollé général, l’OMS s’est fendue d’un communiqué expliquant que ces travaux “ne demandaient pas aux gens d’arrêter de manger de la viande transformée” mais indiquaient “que réduire la consommation de ces produits pouvait réduire le risque de cancer colorectal”. Mange-t-on vraiment trop de viande en France? “Non”, répond formellement Pierre-Michel Rosner, directeur du Centre d’Information des Viandes (CIV). “Le Crédoc révèle que le chiffre moyen de consommation de viande rouge est de 52 grammes par personne et par jour, alors que le PNNS préconise d’en manger 70 grammes, soit 40% de plus?!” Idem pour la charcuterie, dont la consommation, évaluée à 36 grammes par jour, se situe en deçà du seuil des 50 grammes recommandés. Mal connus, les chiffres de la consommation sont souvent confondus avec ceux de la production, mesurés au niveau des abattages. Une erreur d’interprétation qui se transforme en bad buzz pour la filière. “Les discours culpabilisants sur la viande