Souvent caricaturée, toujours incomprise, la génération Y fascine autant qu’elle effraie les marques et les distributeurs. On dit de ces consommateurs, âgés entre 18 et 34 ans, qu’ils sont inconstants, imprévisibles et surtout… bien plus désargentés que leurs parents?! Les plus jeunes (18-25 ans) sont encore étudiants, les autres viennent tout juste d’entrer sur un marché du travail fragile, la plupart peinent à gagner leur autonomie financière. Et pour cause: au troisième trimestre 2014, le taux de chômage chez les 15–24 ans s’élève à 23,7%, selon l’Insee, contre 9,9% pour l’ensemble de la population française1. Pis, l’Observatoire des inégalités a révélé, en 2013, que plus d’une personne pauvre sur deux, dans l’Hexagone, avaient moins de 30 ans. On est loin de la poule aux œufs d’or que représentent les seniors. Faut-il, pour autant, négliger ces jeunes? Ce serait oublier, un peu trop vite, une réalité démographique: “en 2030, la génération Y représentera 75% des forces de travail”, rappelle Elizabeth Pastore-Reiss, directrice générale déléguée du groupe Greenflex et fondatrice d’Ethicity. Les acteurs économiques de demain, en somme. Reste que la cible est difficile à définir. “C’est une génération mystérieuse”, admet le sociologue Dominique Desjeux. Mystérieuse parce que sortant des cadres socio-démographiques prédéfinis et dotée de comportements d’achat atypiques. Capable, aussi bien, d’épargner tous les mois que de dépenser, en une seule fois, dix fois son budget pour un produit coup de cœur. “Avec les Y, tout ce que l’on savait sur la segmentation est à repenser”, observe Jean-Marc Lehu, enseignant-chercheur en marketing à la Sorbonne. Hétérogène, cette génération regroupe autant de profils que de comportements différents, dépendants de l’âge et de la situation professionnelle des individus. Les Millennials ou “digital natives”, notamment, nés entre?1985 et?1995, développent des usages en rupture. “Ils ont totalement intégré ce que nous apportent les nouvelles technologies et n’achèteront pas comme leurs parents hier”, précise Jean-Marc Megnin, directeur général d’Altavia ShopperMind. Mais le véritable point de bascule de cette génération, c’est la crise économique de 2008 qui a ébranlé la confiance dans l’avenir des jeunes et bouleversé durablement leurs habitudes de consommation. Refermant, une fois pour toutes, la parenthèse enchantée du plein emploi.
Jouer franc jeuPour rassurer ces consommateurs inquiets, mieux vaut jouer franc jeu. Exit les beaux discours des marques. Rompus à l’imagerie publicitaire et aux campagnes de communication en tout genre, les Y sont devenus méfiants. “Vous ne pouvez pas demander à une génération née dans la marmite du marketing d’être aussi aveugle que ses parents et ses grands-parents”, indique Jean-Marc Lehu. Rien n’agace plus ce public que les promotions criardes en magasin et les alliances à la vocation commerciale à peine masquée, entre réseaux sociaux et marques. “Les techniques de tweets sponsorisés ou de Facebook adds n’ont aucun avenir auprès des jeunes”, confirme Christian Neff, directeur de l’agence de marketing digital Markentive. Sollicités en permanence sur Internet, ils ne supportent pas qu’on leur dicte ce qu’ils doivent acheter ni à quel prix. Encore moins, d’être infantilisés. “L’erreur que font beaucoup de marques, c’est de leur parler comme à des gamins sans expérience, ni pouvoir de décision”, explique Sébastien Mahieux, directeur en charge du marketing stratégique chez Equancy. La maladresse des banques et des assurances, lorsqu’elles s’adressent à ces jeunes, fait régulièrement l’objet de moqueries sur les réseaux sociaux. “L’approche des marques et des vendeurs en magasin doit être sincère. La génération Y recherche l’honnêteté et la transparence”, analyse Pascale Hébel, directrice du département consommation du Crédoc. Pour cette génération désabusée, le bluff marketing est vécu comme une tromperie. Rédhibitoire. Ce