Les défis de la nouvelle direction

Changement de capitaine chez Vivarte. L’entreprise qui vient d’effacer 2 Mds€ de sa dette d’acquisition au terme de sa restructuration financière, a annoncé le départ de son PDG, Marc Lelandais, au motif “d’un désaccord sur la conduite future du groupe”. C’est désormais Richard Simonin qui se trouve aux commandes, secondé par Pierre Trotot, promu directeur général. Nommé directeur général délégué fin septembre, Richard Simonin aura la lourde tâche de mener à bien le remaniement opérationnel du groupe. Le nouveau PDG part toutefois avec un avantage: une structure de bilan assainie, une dette allégée s’élevant à 1,3 Mds€ (soit 800M€ de dette restructurée et 500M€ de new money) et surtout, le soutien des nouveaux actionnaires de référence: les fonds Alcentra, Babson, GoldenTree et Oaktree. Ce qui n’était pas le cas de Marc Lelandais. Et pour cause, l’option de départ choisie par ce dernier, de maintenir, envers et contre tout, le groupe dans sa configuration actuelle, n’avait pas reçu l’aval des anciens actionnaires. L’ex PDG s’était alors tourné vers les créanciers, qui ont conclu avec les actionnaires existants un accord portant sur l’acquisition du groupe pour l’euro symbolique, ainsi que sur la réinjection de 500M€ par les 113 repreneurs. Mais signe que ceux-ci n’avaient, en réalité, que partiellement adhéré à la tactique Lelandais, ils ont appelé, dès le mois d’août, Richard Simonin à rejoindre le groupe.Du sang et des larmesReste maintenant à savoir quelle stratégie va adopter le nouveau dirigeant. Une chose est sûre, des arbitrages vont être nécessaires. La multitude de points de vente plus ou moins rentables, et donc de baux commerciaux et de personnel, pesant sur les comptes de Vivarte. Objectif: reconstruire des fonds propres et restaurer la confiance des fournisseurs. “Les nouveaux actionnaires de référence ont redonné à Vivarte les moyens d’investir dans son outil commercial, à savoir, les boutiques et les collections et ce, malgré les pertes importantes enregistrées par les prêteurs avant la restructuration”, explique Benjamin Homo, avocat associé chez Mayer Brown. Les actionnaires ont fait le pari que le groupe allait réussir à rembourser sa dette pour un montant supérieur à la valeur décotée à laquelle ils l’avaient achetée. Mais c’est en contrepartie de remaniements profonds. “Les créanciers échaudés vont demander au groupe de relancer la machine différemment. Donc on peut s’attendre à des décisions difficiles sur les enseignes les plus fragiles, afin de mettre la priorité sur les marques solvables”, analyse Thomas Phillippe, avocat associé chez Mayer Brown. L’avenir de La Halle, précisément, dont les contre-performances tirent les autres enseignes vers le bas, est en suspens. Certains observateurs soulèvent même l’hypothèse d’une vente, à terme, par appartement. “Les fonds qui ont acheté de la dette décotée vont voir ce qu’ils vont pouvoir extraire comme valeur de ces créances”, indique une source proche du dossier. Mais pour Thomas Philippe, il n’y a pas, encore, d’échéances lourdes. “Dans l’immédiat, il n’y a plus d’urgence en termes financier. En revanche, il y a fort à parier que quelques mois après la restructuration, les créanciers vont faire le bilan et des choix”, explique-t-il. Rappelant, qu’il s’agit tout de même de la plus grosse restructuration de dette qu’ait connue l’Europe, réalisée en un temps record (8 mois), dans “le sang et les larmes”. Raison de plus pour que celle-ci aboutisse au redressement du groupe.Repositionnement commercialC’est aujourd’hui sur le terrain opérationnel que le gros du chantier va se situer. Le groupe prévoit de rénover et renouveler son parc de magasins. “Vivarte a un besoin rapide de recréer du résultat opérationnel et cela passe par un plan d’investissement ambitieux”, souligne Benjamin Homo. De nouveaux moyens financiers qui à eux seuls risquent, cependant, d’être insuffisants sans une véritable logique de groupe qui les accompagne. “Vivarte est un conglomérat d’entités différentes. Ce qui conduit à la question: faut-il avoir une vision globale du portefeuille d’enseignes ou rester dans une organisation en silo, où chaque business unit fonctionne de façon autonome?”, s’interroge Yves Marin, senior manager chez Kurt Salmon. La première solution permettrait au groupe de mener une politique de développement multi-enseignes, avec, en back-office, une mutualisation des moyens logistiques, systèmes d’information et bases de données clients. Autrement dit, une culture commerciale très différente de celle pratiquée par Vivarte. La pression des nouveaux actionnaires et la morosité du marché du textile, vont-ils contraindre le groupe à changer de mentalité? L’arrivée de Richard Simonin, et encore plus, celle de Thierry Jaugeas, ancien PDG de Camaïeu, à la tête du pôle mode de Vivarte (comprenant La Halle, Caroll, Chevignon et Naf Naf), semblent donner quelques pistes. Et contre toute attente, elles ne confortent pas l’idée d’une cession de La Halle, mais d’un repositionnement. “Il faut arrêter la dérive d’une montée en gamme, vers des magasins qui s’éloignent du territoire natif de la Halle”, affirme Yves Marin qui suggère plutôt une “primarkisation” de l’enseigne (des petits prix, une offre attractive, avec des cycles de vie de produits courts). L’autre chantier du nouveau PDG sera, également, de stabiliser ses équipes dirigeantes, soumises à de nombreux départs depuis janvier. Et rassurer les 22 000 salariés du groupe qui voient déjà dans le rachat de la dette par les nouveaux actionnaires une opération financière purement spéculative.