L’année 2013 commence mal. Pas une journée sans lire ou entendre l’expression juridique: “procédure de redressement judiciaire”. En première ligne: la distribution spécialisée. Le sort de Virgin Megastore ne tient qu’à un fil et l’on peine à imaginer le 56/60 avenue des Champs-Élysées sans ses fenêtres rouges. L’heure de gloire du disquaire est passée, seuls restent les dettes, les loyers trop chers et les impayés aux fournisseurs. À Londres, c’est HMV qui jette l’éponge après avoir ouvert, en 1984, le plus grand magasin de musique du monde. Le petit chien au gramophone s’en est allé.
Les rockeurs ne sont pas les seuls à avoir la mort dans l’âme: les gamers pleurent, eux aussi, la fin du temple du jeu vidéo, Game. Crise de la consommation, progression des ventes sur Internet, explosion du téléchargement légal et illégal: le marché des biens culturels et de loisirs vacille et ce sont les enseignes physiques qui trinquent. Y compris les institutions. De quoi faire sortir de ses gonds la ministre de la Culture, Aurélie Filippetti, qui n’hésite pas à crier à la concurrence déloyale d’Amazon, le champion du commerce dématérialisé. Une bouteille à la mer pour tous les distributeurs?
C’est pourtant Internet qui a sauvé la Fnac du naufrage. Le Français, qui a su prendre le virage du e-commerce là où son rival britannique a calé, affiche aujourd’hui 250 M€ pour son seul canal de vente sur Internet, quand Virgin frôle les 290 M€ à l’atterrissage 2011, pour l’ensemble de ses activités. Moralité de l’histoire: nul distributeur ne peut, aujourd’hui, ignorer la force du web. Mais comment allier réel et virtuel? “Il n’y aura pas de passage brutal du magasin physique au magasin virtuel”, signale Frédéric Valette, analyste chez KantarWorldpanel. Le drive est une réponse. Et tous s’y sont mis: à fin 2012, quelque 2?000 drive auront vu le jour, en deux ans. Au risque de saturer l’offre. Car, déjà, le consommateur en attend plus et le commerce doit suivre s’il ne veut pas couler.
Plutôt qu’une révolution, une évolution. Fini l’âge d’or de la grande distribution, aujourd’hui, le mot d’ordre c’est l’interaction. Plus de services, plus de dialogue: “ce n’est plus le consommateur qui vient à la distribution, c’est la distribution qui doit aller au consommateur”, résume Yves Marin, senior manager chez Kurt Salmon. Aller plus vite, s’adapter aux nouvelles technologies, innover jusqu’à proposer des modèles hybrides, des formules mixtes, à l’image du concept “multifrais” d’Auchan: c’est la voie du salut de la distribution, plongée, comme le reste de l’économie, dans un contexte de crise. Et lorsque les habitudes de consommation mutent, les envies de demain deviennent les enjeux d’aujourd’hui.