Bières, boissons énergisantes et maintenant… Nutella. La valse des taxes continue dans l’industrie agroalimentaire. Au grand désespoir de ses acteurs. Dernier en date: l’amendement Nutella, tiré de la célèbre pâte à tartiner, au goût inimitable. Mais trop gras, pour le sénateur Daudigny qui crie haro sur les acides gras saturés. Au nom de la santé publique et du futur PLFSS, la Commission débat actuellement sur une contribution additionnelle de 300?€ la tonne, applicable dès le 1er?janvier 2014, à tous les industriels qui utilisent de l’huile de palme, de coprah et de palmiste. Une échéance que certains distributeurs n’ont pas attendue pour retirer de leurs rayons ces pommes de discorde. Adieu Nutella, bonjour “Noisette”, par Casino? Une aubaine pour relancer les MDD face aux marques nationales.
Côté industriel, en revanche, la polémique enfle. “Infondé et injuste”, l’amendement Nutella fait bondir le principal concerné, le groupe Ferrero qui menace: ces stigmatisations risquent “de mettre en péril les efforts de toute une filière pour s’approvisionner en huile de palme durable et le travail de notre entreprise implantée depuis 50 ans en Haute-Normandie et très engagée dans l’économie française”. À l’heure où l’on parle Made in France, compétitivité et relocalisation, cherchez l’erreur… Pour l’Association Nationale des Industries alimentaires (Ania), la coupe est pleine. Trop, c’est trop. “Nous sommes des boucs émissaires privilégiés”, clame haut et fort, sur les ondes, Jean-René Buisson, son président, qui calcule: 500M€ sur les spiritueux, 200M€ sur les sodas, 500M€ sur la bière et 40M€ sur l’huile de palme: la note à payer grimperait à 1,2Mds€, pour le secteur, en 2013.
Un boulet au pied, alors que le rapport 2012 de l’Observatoire de la formation des prix et des marges vient tout juste de souligner la situation délicate de l’industrie agroalimentaire. Longtemps attendus, enfin publiés, les travaux menés par l’économiste Philippe Chalmin viennent contredire les fantasmes des marges: “Sur 100?€ de dépenses alimentaires, environ 8?euros reviennent actuellement à l’agriculture, et 11?euros aux industries agroalimentaires, loin derrière le commerce (21?euros)”, souligne le ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt, à qui a été présenté ce rapport. Loin de se gaver, les industriels subissent le contrecoup des hausses des matières premières et des coûts d’exploitation des agriculteurs. La distribution, quant à elle, fait le tampon, face à des Français que TVA, hausses des cotisations sociales et impôts sur le revenu n’épargneront pas, en 2013.
Et si tous doivent participer à l’effort de désendettement de la France, il revient donc, logiquement, aux consommateurs de financer, en partie, le cadeau fiscal de 20Mds€ accordé aux entreprises pour relancer la sacro-sainte compétitivité. “On veut d’abord le voir pour le croire”, semblent dire les patrons, à demi convaincus par ce revirement libéral, si éloigné des promesses de campagne du président de la République. Crise économique et règle d’or obligent? Six mois après l’élection présidentielle, voici venir le temps du bilan. Et il est morose. François Hollande et son Premier ministre n’auront jamais été aussi mal-aimés par les Français. Les impôts rendent impopulaires, c’est certain, parce qu’ils impactent le quotidien de tous. Mais ils sont aussi le ciment d’une collectivité solidaire et responsable. Un mal nécessaire, avec lequel il va falloir composer.
Alors oui, on paiera plus cher demain. La nourriture, l’énergie, le logement ou la santé. Mais non, on ne renoncera pas à consommer. Différemment, certes. Raisonnablement, à n’en pas douter. Et déjà, les premières études de Noël l’attestent: les Français ont bien l’intention de fêter Noël avec un budget en hausse de 0,7% en 2012, par rapport à l’an dernier. Après s’être serrés la ceinture toute l’année, ils ont envie de se faire plaisir. Des plaisirs simples. Des livres, du parfum et tiens? Des chocolats. À Noël, on a bien le droit de manger gras, non? Une parenthèse de plaisir, dans un océan d’austérité. Allez, vous aussi, vous reprendrez bien du chocolat…
Directeur de la publication : Francis Luzin